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LES
LIVRES D’ÉTRENNES

C’est une tradition qui s’est heureusement maintenue chez quelques-uns de nos éditeurs les plus justement renommés de publier, à la fin de l’année, en même temps que des livres mis à la portée de tous, — où l’enveloppe constitue le plus souvent ce qu’il y a de plus brillant, — des ouvrages d’art d’une valeur rare pour le texte et l’illustration. Entre les plus magnifiques et se distinguant parmi tous les autres par son caractère original, l’édition des Eglogues[1]de Virgile, comparable aux plus belles œuvres sorties des presses de la maison Pion, constitue un document d’une valeur exceptionnelle pour la recherche dans la composition, les motifs de décoration, la reproduction des aquarelles si bien rendues à l’aide de procédés nouveaux et dignes en tous points de la vieille réputation de l’École française déjà célèbre au moyen âge pour ce goût de l’enluminure et ce don d’orner les manuscrits où nos dessinateurs et nos peintres, depuis les écoles de Paris et de Tours, ont toujours excellé et obtenu la prééminence. Et dans un temps où l’on s’efforce de rompre avec tout ce qui nous rattache au passé, tandis que les études latines, après les grecques, et comme tout ce qui marque une distinction, sont devenues suspectes, frappées d’ostracisme et proscrites par l’Université même, il y a sans doute quelque élégance et quelque mérite à mettre dans un cadre splendide les Eglogues du poète de Mantoue, le plus tendre amant de la nature, de la nature charmeuse, apaisante, consolatrice. On l’a fort bien dit : comme la nature même dont la beauté est éternelle, la poésie, qui en montre les enchantemens, demeure immortelle ; et toujours le

  1. Plon-Nourrit et Cie.