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théâtre déliquescent, comme la comédie de M. Bataille en est la forme sentimentale et mièvre.

Autant qu’à la sûreté du métier et à l’habileté consommée de l’auteur, la nouvelle pièce de la Renaissance doit son grand succès à une remarquable interprétation. Mme Simone Le Bargy a mis dans le rôle de Marie-Louise toute la nervosité, tout le trépidant de son jeu : elle nous, a présenté un personnage vivant, vibrant, ensorcelant. Qu’elle fasse attention toutefois ! Elle a des affectations, des tics, des chantonnemens de voix qui, pour peu qu’elle s’y obstine ou les exagère, deviendraient bientôt fatigans. M. Guitry, un peu marqué pour le rôle d’un mari si aimé, a eu beaucoup de puissance dans les momens d’émotion. M. Huguenet a été parfait de simplicité et de dignité dans le rôle du père ; et M. Arquillière a été épique d’assurance dans le personnage du policier qui se trompe avec autorité.


Il n’y a presque rien à dire de La Vierge d’Avila que représente en ce moment le théâtre Sarah-Bernhardt.

Qu’il s’agisse d’un sujet ancien ou moderne, comique ou grave, profane ou religieux, de Scarron, de Glatigny, ou de sainte Thérèse, M. Catulle Mendès le traite d’après les mêmes procédés, avec les mêmes défauts, au milieu desquels on s’efforce vainement de découvrir une ombre de mérite ; c’est la même incontinence de lyrisme. Des tableaux se suivent que rien n’appelle et rien ne relie. Des vers se succèdent, des tirades se déroulent. On a toutes les peines du monde à suivre l’auteur à travers ses complications romantiques, dans un dédale d’inventions romanesques, de subtilités mystiques, physiologiques et surtout saugrenues. La langue, à force de contournemens, de recherches précieuses et d’impropriétés, est obscure au point de devenir totalement incompréhensible. La nouvelle œuvre de M. Mendès est moins fâcheuse encore qu’elle n’est inexistante. Des confrères complaisans ont organisé autour d’elle un tapage, retentissant et dénué de conviction. C’est beaucoup de bruit pour rien.

Mme Sarah Bernhardt en sainte Thérèse a parfois de belles altitudes et des intonations touchantes. Souvent aussi elle ne se conforme qu’avec trop de docilité aux indications du texte de M. Mendès qui lui conseille d’être « puérile divinement. »


RENE DOUMIC.