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Les Mouettes sont une pièce où l’exécution est inégale aux intentions de l’écrivain.

L’interprétation est assez terne. M. Duflos manque de toutes les qualités de relief qui seraient nécessaires pour pousser au type la figure de Chambalot. M. Mayer se tire comme il peut du rôle neutre et effacé de Kervil. Mme Lara exagère encore le côté pleurard du rôle d’Yvonne. Mais Mme Berthe Cerny qui s’était déjà montrée à son avantage dans le rôle principal de La Courtisane, — de fâcheuse mémoire, — a été vraiment élégante et gracieuse sous les traits de la cousine Adrienne.


Avec la nouvelle pièce de M. Bataille, Poliche, nous ne quittons ni la Comédie-Française, ni le genre sentimental, ni la discussion des problèmes moraux. Car il y a ici un -problème : « Les joyeux fêtards ont-ils l’âme triste ? » Si vous ne vous êtes jamais posé cette question, ou si elle vous semble de peu d’intérêt, il vous sera impossible de comprendre ni pourquoi M. Bataille a écrit sa pièce, ni pourquoi elle a été accueillie sur la première scène française.

Le début nous avait lancés en pleine folie-vaudeville. Nous sommes dans quelque Saint-Cloud, après la saison finie : une bande joyeuse, arrivée en automobile, envahit le hall d’un restaurant démeublé et désemparé, attendu qu’il vient d’être fermé la veille. Il y a là une jeune veuve, Rosine de Rinck, une femme mariée, Pauline Laub, et une femme entretenue, Thérésette : cela fait trois gourgandines. Il y a un jeune officier, Saint-Vast, venu à cheval et qu’on appelle pour cette raison le Centaure : il s’est joint, depuis deux jours, à la troupe en goguette, et il a, tout de suite, fait la conquête de ces dames, obtenu un rendez-vous de Rosine pour le soir, et un autre de Pauline pour le lendemain. Mais il y a surtout Poliche, un drôle de corps, l’amusant, le désopilant Poliche, le boute-en-train de toutes les parties, toujours en travail de quelque invention impayable et de quelque énorme bouffonnerie. Poliche est l’amant de Rosine. Sanglé d’un tablier, il revient de la cuisine où il est allé confectionner une omelette, quand il surprend Saint-Vast en train d’embrasser Rosine. Un autre prendrait la chose au tragique, Poliche la prend à la blague. On est farceur ou on ne l’est pas. — À cette esthétique et aussi à cette moralité nous nous empressons de reconnaître le répertoire du Palais-Royal et des Variétés. On va rire…

Erreur ! La comédie gaie n’était que la préface d’un drame larmoyant. Celui-ci commence au second acte, où Poliche s’épanchant