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concitoyens, n’ayant rien de plus cher que le salut de la patrie ; et, avant de partir, il dicte des « commentaires » où il trace les règles de conduite qui doivent procurer ce salut. C’est pour César une demi-satisfaction, dont il fait, en attendant mieux, une satisfaction ; Pandolfo parti, le prétexte lui manque pour attaquer Sienne, après les déclarations d’amour pour la Commune qu’il a multipliées. Mais sa main opiniâtre s’acharne sur le triumvir. Il lui remet des lettres de recommandation pour Lucques, où Pandolfo désire se retirer, et secrètement il envoie cinquante cavaliers pour l’occire en chemin. Le guet-apens est évité, grâce au commissaire florentin de Cascina qui retient les sbires quelque temps. Et, au bout de deux mois, ayant raffermi ses affaires, par l’intermédiaire du roi de France et du consentement des Florentins, Pandolfo rentre à Sienne, le 29 mars.

Suivant sa politique de bascule, la Seigneurie voudrait être bien avec lui, sans se mettre mal avec le duc, et en tachant de gagner des deux côtés, ou du moins, sans perdre de l’un, de gagner de l’autre. Si donc, elle est près de se rendre aux avances de César, elle en avise Pandolfo, pour qu’il prenne ses précautions, et elle en profite pour se faire restituer Montepulciano, dont la possession lui était disputée par Sienne. Trop de complaisance à lui être agréable fut la seule faute de Pandolfo, mais cette seule faute faillit le perdre. A son retour, l’affection populaire s’était changée en une sorte d’adoration ; mais que ce sont d’inconstantes amours ! On accusa le chef hier adulé de préférer ses intérêts privés à ceux de la Commune, et, minée par dessous, sans racines, sans « fondemens, » comme eût dit l’autre, sa domination allait être à la merci d’un caprice du duc, quand, le 18 août, le pape Alexandre VI mourut d’une mort longtemps suspecte et demeurée mystérieuse.

C’était la première infidélité que la Fortune faisait à César : elle l’abattit d’un coup.


III

Est-ce l’effet du poison, préparé pour d’autres, qu’ils auraient bu, son père et lui, par erreur, le soir du souper dans la vigne du cardinal de Corneto, dont le Pape serait mort, et dont lui-même ne se serait remis, et mal remis, que par une médication aussi étrange qu’énergique ? Dès qu’Alexandre VI n’est plus,