Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 36.djvu/900

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Pandulphus Petrucius, Senensium tyrannus. Celui-ci n’est point un tyran ordinaire, qui s’est imposé et se maintient par la force de son bras : et, comme un tyran ordinaire, il ne vit pas dans le luxe et dans la débauche : il n’a pas usurpé le pouvoir pour en tirer autant de jouissances que la vie humaine en peut épuiser. C’est une sorte de bonhomme Pandolfo, tout au plus Messer Pandolfo, toujours vêtu du costume commun des Siennois, le manteau noir, si ce n’est aux jours solennels ; frugal en ses repas et dédaignant les plaisirs de la table ; peu emporté à bâtir, et bâtissant plutôt commodément que somptueusement ou élégamment ; ne le cédant ni en politesse ni en modestie au plus humble des citoyens ; n’ayant pas l’ambition de rechercher à l’extérieur des mariages puissans ou opulens, mais seulement, à Sienne même, des mariages égaux de fortune et de naissance ; par-dessus tout, attaché à détourner l’envie. Peu de monde autour de lui ; point de bruit, point d’éclat : tout à couvert et en dessous : l’art accompli de dissimuler, le don de s’insinuer, de se glisser dans la faveur publique, une habileté magistrale à avancer doucement, en se servant des partis qu’il paraissait servir. Homme de main au besoin presque autant qu’homme de tôle. Proscrit de Sienne avec les Nonarii par le parti adverse des « Réformateurs, » il réunit trois cents hommes de son parti à lui, escalade de nuit les murailles, brise la porte, s’empare de la ville et du palais, expulse à son tour ses adversaires, et, acclamé ou approuvé dans les conseils, chef de son ordre, soutenu par l’affection populaire, devient le maître. Son beau-père, Niccoló Borghese, est jaloux de sa puissance, et tente de la lui faire perdre. Le placide Pandolfo n’en marque aucun dépit, mais un beau jour on trouve Niccoló mort sur la grand’place. L’opinion désigne le coupable, s’effraie et s’indigne. Pandolfo apporte un soin infini à la regagner. On pourra désormais attenter à sa vie : il ne répondra que par le pardon. La tyrannie qu’il s’applique à instaurer est elle-même d’une forme moins directe, moins brutale, plus ingénieuse, plus subtile qu’elle ne l’est généralement ailleurs : elle aussi, elle dissimule, et se dissimule sous des apparences régulières, légales, quasi constitutionnelles : ailleurs, c’est un état de fait ; il l’élève presque jusqu’à un état de droit. Un triumvirat, dont il est, avec deux collègues ; mais, de ces deux collègues, il achète l’un, et il choisit l’autre d’une intelligence si épaisse qu’il n’a pas à en prendre ombrage : ainsi, dès la fin