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explication ; pourquoi veut-il leur faire la guerre, comme on le dit publiquement ? que leur reproche-t-il ? ils sont prêts à s’en justifier. Mais lui : ce n’est pas à la Commune qu’il en veut ; il les tient pour ses bons amis ; jamais il n’a été dans son intention de leur faire la guerre ; ah ! par exemple, il a une grande haine contre Pandolfo Petrucci, qui est son ennemi mortel, parce qu’il a été d’accord avec les autres à vouloir le chasser de ses États, lui César. Que la Commune s’arrange pour le renvoyer, et la paix est faite : sinon, son armée est ici pour cela ; il lui en coûte, pour atteindre Pandolfo, d’avoir à en offenser d’autres, mais il s’en excuse devant Dieu, devant les hommes et devant eux, « comme celui qui est vaincu par la nécessité et par une juste colère contre un homme à qui il ne suffit pas de tyranniser une des premières cités d’Italie, mais qui veut encore, par la ruine d’autrui, pouvoir donner des lois à tous ses voisins. »

Les bourgeois de Sienne sont terrifiés : les simples spectateurs (mais personne n’est assuré, avec un tel prince, d’être longtemps un simple spectateur) déclarent que « les choses restent ambiguës et que nul n’oserait en prédire la fin. » D’un côté, « une fortune inouïe, un courage et une espérance plus qu’humaine de pouvoir accomplir tout son désir, » — ainsi apparaît à Machiavel le César triomphant du bellissimo inganno, un surhomme, le Prince. De l’autre côté, Pandolfo : « un homme de beaucoup de prudence dans un État tenu par lui avec une grande réputation, et sans avoir, au dedans ou au dehors, d’ennemis de beaucoup d’importance, pour les avoir tués ou s’être réconcilié avec eux, et avec beaucoup de forces et de bonnes, si Giovanpaolo s’est retiré près de lui, comme on le dit, et non sans argent ; et s’ils sont privés d’espoir de secours à cette heure, le temps l’envoie souvent : aussi n’est-il rien de mieux que de s’en tenir à en voir la fin, — qu’on devra voir sous peu de jours. »

Cette fois, César Borgia est aux prises avec le plus redoutable, ou du moins le plus difficile de ses ennemis, et l’on doit lui rendre cette justice qu’il ne le méconnaît pas. Regardez, parmi les gravures dont on a orné, d’après le musée que l’évêque de Nocera avait formé à Côme, les Vies et les Éloges de Paul Jove, cette tête bien équilibrée, bien construite, à l’œil droit demi-clos, à la bouche spirituelle, où il y a tout à la fois de l’homme de loi et de l’homme d’Eglise, et qui dit la méditation, la réflexion. Lisez la notice qu’elle illustre :