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Et savoir qu’elle est là, derrière ce carreau,
C’est émouvant, c’est mystérieux et c’est beau,
Et penser, quand le jour blanchira la fenêtre,
Que c’est sur Rome enfin que l’aurore va naître
Vous étreint d’une joie où tremble un peu d’effroi…
Mais ma bougie est naine et mon cigare est froid.
Adieu, songez à moi. Je suis heureux. L’attente
Rend le cœur plus fébrile et l’âme plus ardente
Rome ! je te vais voir en ton matin vermeil,
Et, pour te posséder déjà dans mon sommeil,
J’entrerai dans la nuit que ta gloire illumine
En répétant sept fois les noms des sept collines.


LA VILLA


Quel Prince au nom romain ou quel altier Prélat,
Las de la Cour papale ou du rouge Conclave,
Au milieu de ce site agreste, noble et grave,
A tracé ces jardins autour de sa villa ?

D’intrigue ou de complot venaient-ils rêver là,
De plaisir sans regret et d’orgueil sans entrave,
Et dans leur cœur encore ambitieux et brave
Quel long désir d’amour ou de gloire brûla ?

Je ne sais, mais il rôde en ces lieux magnifiques,
Plantés de rouvres verts et de cyprès coniques,
Comme une obscure fièvre et comme un philtre errant,

Et, vers le soir, du bord des terrasses hautaines,
On entend se mêler et frémir sourdement
Le frisson du feuillage au frisson des fontaines.


LE BEAU PAYS


Je ne suis pas le fils des îles lumineuses
Qui parfument la mer d’un éternel printemps,
Et je n’ai pas connu leurs nuits mystérieuses,
Car je ne suis pas né sous leurs cieux éclatans.