dus, lingot par lingot, vider le trésor enfoui dans ma cave en me rappelant que j’étais un honnête homme ! »
En effet, dans les momens de grande spéculation, les financiers émettent des actions sur lesquelles ils ne font verser qu’un pourcentage réduit ; le public les souscrit sans songer aux versemens à venir. Que, dans un marché ainsi tendu à l’extrême, il survienne le moindre événement défavorable, les appels de fonds se succèdent précisément au moment où la grande activité des affaires en général et la hausse des prix ont gonflé la portefeuille des banques et raréfié leur encaisse. Pour se défendre, les Banques sont obligées alors de hausser leur taux d’escompte. C’est le krach imminent !
Ainsi que nous l’avons dit, le signal ici fut donné par la question du coton. Quoique les quantités importées par l’Europe, et qui étaient de 11 millions de quintaux avant la guerre de Sécession, fussent tombées en 1861-1862 à 5 millions de quintaux, et n’atteignissent encore que 7 500 000 quintaux en 1864, les prix avaient été poussés si haut que, de 38 millions de livres sterling, leur montant avait presque doublé et s’était élevé à 67 millions. Les perspectives de paix aux Etats-Unis et par conséquent de reprise des envois de coton américain, en amenant la débâcle des cours, devaient agir comme l’étincelle qui provoque l’explosion d’une mine trop chargée. L’escompte dut être porté à 9 pour 100 en Angleterre pendant les derniers mois de 1864 et l’ébranlement se propagea comme par une traînée de poudre à toutes les places de commerce de l’Europe et du monde entier.
La période aiguë du krach de 1864 dura fort longtemps, ou plutôt donna lieu à une rechute. La liquidation bien commencée, on pouvait espérer que la reprise ne tarderait pas ; on voulut se rétablir trop vite et l’on dut payer cette optimiste illusion. L’Europe en général s’était remise immédiatement à l’économie et à la reconstitution des capitaux par l’épargne ; mais l’Angleterre n’était pas entrée suffisamment dans la voie de la liquidation qui, chez elle, ne se fit réellement que dix-huit mois plus tard en 1866. Elle avait cru pouvoir continuer ses grandes entreprises de chemins de fer, et surtout, elle ne s’était pas rendu compte des conséquences de la perturbation amenée dans les affaires par la longue guerre de Sécession des Etats-Unis. La faillite de la grande maison de banque Overend Gurney donna le signal de la rechute, et le choc fut d’autant plus violent qu’il