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de billets oblige la Banque à refuser d’escompter le bon papier et de venir ainsi en aide aux maisons sérieuses qui, à ce moment-là, ne se refusent pas à payer un taux d’intérêt élevé, mais demandent avant tout à faire face à leurs échéances.

C’est à dessein que nous avons choisi l’Angleterre pour notre étude de la crise universelle de 1847 ; nous avons voulu montrer que la question politique ne joue qu’un rôle secondaire dans l’évolution économique. Mais qui ne se rappelle qu’après la belle période où le gouvernement de Juillet avait dit aux Français : enrichissez-vous ! étaient venus chez nous aussi les embarras de 1847 suivis de la révolution de 1848 ? À ce moment-là, il en était des crises comme de la peste ou du choléra : c’était la terreur et, quoique tout enfant alors, je me rappelle encore qu’à l’annonce du krach, ma mère tomba évanouie m’entraînant dans sa chute jusqu’au bas de l’escalier !

La Révolution de 1848 fut peut-être amenée par la crise de 1847 ; en tout cas, elle en aggrava la liquidation. Le nombre des maisons qui succombèrent fut considérable. Les affaires se ralentirent à tel point que le portefeuille d’escompte de la Banque de France tomba, en 1851 au-dessous de 100 millions. La restriction des dépenses, la force de l’économie reconstituèrent les capitaux ; l’encaisse qui, au moment du krach, dépassait à peine le chiffre ci-dessus, remonta en quelques années jusqu’à 600 millions ; le bas prix de tous les produits réveilla la demande et la confiance ; la proclamation de l’Empire, les grands travaux décidés par lui, la découverte de l’or en Californie ramenèrent, non seulement la prospérité, mais firent renaître la spéculation. La guerre de Crimée interrompit à peine le grand développement que la paix, conclue en janvier 1856, vint accroître encore et malencontreusement, car la hausse générale des prix, l’excès en tout pronostiquaient déjà le revirement. Ce furent les États-Unis qui en donnèrent le signal en septembre 1857. Il suffit de quelques jours de panique pour que la presque-totalité des banques de New-York fussent obligées de suspendre leurs paiemens. Dans la période d’inflation que traversait l’Angleterre, il n’en fallait pas plus pour déterminer aussi chez elle une seconde fois la suspension de l’acte de 1844 et la hausse de l’escompte à 10 pour 100. Les marchés allemands et surtout celui de Hambourg qui s’était laissé aller à un grand développement de papier de complaisance, furent très atteints. En France, quoique moins éprouvés,