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hôpitaux périt aisément, sans compter, comme le disait Mazarin, pour qui la morale de l’intérêt primait toute autre, « qu’il n’y a rien qui fasse meilleur effect dans les armées que de voir que l’on prend grand soin des malades et des blessés. »

Après plusieurs essais dans lesquels, pour l’organisation de ce service de santé si utile, si indispensable, il employa divers religieux qui lui donnèrent plus ou moins satisfaction, Le Tellier finit par charger les intendans de prendre partout en mains la direction de ce service qui devint de plus en plus important. En temps de guerre, de nombreux hôpitaux mobiles, que l’on appellerait aujourd’hui des ambulances, suivirent les armées, et, la campagne finie, les malades et blessés furent envoyés, soit dans les hôpitaux militaires des places de la frontière, que Le Tellier commença à créer, et que Louvois devait multiplier, soit dans les hôpitaux ou hospices des différentes villes où le Roi donnait l’ordre de les recevoir[1]. Pour avoir une idée de l’esprit d’ordre et de méthode que Le Tellier apportait à la solution de ces questions, ne suffirait-il pas de lire cet extrait, si caractéristique, des instructions qu’il donnait, presque aussitôt après son entrée au secrétariat de la guerre, à l’intendant de l’armée de Catalogne, d’Aligre : « La despense de l’hôpital, écrit-il, montera à plus de vingt millions comme vous me le mandez. Mais il faut que vous considériez qu’outre ce fondz-là qui a esté faict, vous avez beaucoup d’argent à y employer, qui provient des prestz qu’on paye aux soldatz, assez souvent en votre armée, lequel doibt estre employé à leur soulagement, au lieu de le distribuer aux cappittaines qui en profitent. Cet ordre n’est pas difficile à establir : le directeur de l’hospital donne un certifficat par chacun jour des soldats qui y sont receus, régiment par régiment, sur lequel on retranche le pain pour le porter à l’hospital, lequel certifficat peut aussi servir pour faire retenir les prestz des mêmes soldats, à mesure qu’on les paye et les faire mettre entre les mains du mesme directeur :… et ainsy on mesnage le pain, et le fondz de l’hospital s’augmente, sans qu’il en

  1. Le Tellier fit également de grands efforts pour améliorer le sort des estropiés et des invalides, soit en les envoyant, comme l’avait déjà fait Richelieu, dans des monastères de fondation royale, en qualité de moines-lais, soit en leur servant des pensions. Mais il se heurta, à cet égard, à de grandes difficultés qui décidèrent Louis XIV à créer, en 1674, l’hôtel des Invalides, la plupart des intéressés ayant jusqu’alors, comme le constate l’exposé des motifs de l’édit instituant cet hôtel, « préféré la liberté de vaguer à tous ces avantages. »