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vivres, » ces contrôleurs virent peu à peu leurs attributions s’accroître. Très souvent aussi, au défaut des munitionnaires, ils furent chargés d’assurer directement, à l’aide d’un personnel hiérarchisé de commis et de boulangers, charretiers, etc., spécialement recrutés à cet effet, les services des vivres et fourrages de l’armée, en assumant envers le gouvernement du Roi toutes les responsabilités de leur bon fonctionnement.

C’étaient, en outre, l’intendant et les commissaires généraux des vivres qui, pendant l’interruption, à peu près complète, que l’hiver amenait dans les guerres d’alors, s’occupaient de la formation des magasins, souvent considérables, que l’on créait à l’avance en prévision des prochaines campagnes. Non seulement Le Tellier prescrivait, à cet effet, toutes les mesures nécessaires et se faisait rendre compte de leur exécution, mais encore, dans les circonstances graves, il n’hésitait jamais à se rendre sur place pour tout organiser et contrôler par lui-même. Il exerça ainsi l’influence la plus efficace, la plus heureuse, sur la marche et l’issue des opérations victorieuses qui, pendant cette période du règne de Louis XIV, se succédèrent sans interruption.

À cette tâche ardue et bien remplie, qui valut à Le Tellier, et plus tard à Louvois, son continuateur, élevé à son école, leur réputation méritée de « grands vivriers, » se rattache aussi la première formation du train des équipages, dont Le Tellier doit être considéré comme le véritable créateur, et qui assura le transport régulier des vivres et des munitions, si important pour une armée. A la place des véhicules de hasard et de rencontre que l’on se bornait précédemment à réquisitionner, Le Tellier décida l’emploi, le plus fréquent possible, des « voitures des vivres, » construites d’après un modèle uniforme ; elles devaient être « de bois de sapin, de six à sept pieds de long et d’environ trois pieds de large, fermant à clé et recouvertes de toiles cirées, pour préserver le pain de l’humidité, de la chaleur, ou du mauvais temps, » chaque charrette, munie d’un caisson et attelée de trois chevaux, pouvant porter douze cents pains. Ces véhicules groupés sous les ordres d’officiers spéciaux et les transports qu’ils eurent à opérer tirent l’objet d’une réglementation relative à leur va-et-vient ininterrompu entre les cantonnemens et les localités où le pain était fabriqué. Quant aux réquisitions d’hommes, de chevaux et de voitures diverses, pour de tels convois, on ne dut plus, aux termes des instructions de Le Tellier,