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Le système qui, presque constamment, prévalut, à cette époque, pour les achats de denrées relatifs à la nourriture des troupes, fut donc celui de l’adjudication, que Le Tellier s’appliqua à entourer de garanties minutieuses. Par l’ordonnance du 10 novembre 1643, l’intendant fut explicitement chargé « de faire lui-même le marché de la fourniture en chaque lieu de garnison et au meilleur prix qu’il se pourra en donnant plus où le blé sera cher et moins où il sera moins. »

Pour l’approvisionnement des armées en campagne, Le Tellier, l’un des premiers, reconnut les graves inconvéniens du procédé, — jusqu’alors en vigueur, et qui, à maintes reprises, le fut de nouveau depuis lors, — consistant à en charger des munitionnaires généraux, investis des pouvoirs les plus étendus et à les substituer, en quelque sorte, à l’Etat. Il faut dire, à la décharge de ces munitionnaires, que, souvent, surtout dans les périodes de crise, ils se trouvaient singulièrement gênés, parfois ruinés par l’irrégularité des versemens du Trésor. Aussi n’arrivaient-ils, quoique armés du droit de réquisition qu’ils exerçaient fort durement à l’égard îles populations, qu’à remplir leurs engagemens de la manière la plus insuffisante. Il en résultait pour les troupes de pénibles souffrances, pour leurs chefs de graves embarras, pour les opérations militaires des retards qui risquaient de les compromettre, et qui, parfois même, les firent échouer ; c’est ainsi qu’en 1649 le siège de Cambrai dut être levé par le comte d’Harcourt, en raison de la pénurie des vivres imputable à la négligence des munitionnaires.

Aussi s’explique-t-on la persévérance avec laquelle Le Tellier s’attacha à la réalisation du projet, qu’avait formé Richelieu, de mettre « la munition au compte du Roy. » Antérieurement au fâcheux incident de Cambrai, le secrétaire d’Etat de la guerre avait déjà repris, en le complétant, le texte d’un édit de juin 1627, et d’édits ultérieurs de 1631 et 1635, portant création « de surintendans et commissaires généraux des vivres, des camps et armées, garnisons, munitions, étapes, avitaillement et magasins de France. » Le Tellier fixa à six le nombre de ces charges de surintendans et Commissaires généraux. Appelés tout d’abord à exercer, soit par eux-mêmes, soit par le personnel placé sous leurs ordres, un contrôle permanent sur les munitionnaires et fournisseurs, grands et petits, et aussi sur les généraux dont ils avaient mission de viser toutes les ordonnances « pour le fait des