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conseil de guerre qui le condamnera à mort. Des primes d’argent sont allouées à tous ceux qui dénonceront et arrêteront des déserteurs. Si deux soldats sont repris ensemble ou ramenés le même jour, ils seront mis tous deux à mort. S’il y en a davantage, « ils tireront au billet trois par trois ; l’un perdra la vie, les autres seront envoyées aux galères. » Il ne devra pas être sursis à l’exécution, « même qu’en suivant l’usage, une fille se présenteroit pour prendre en mariage un criminel. »

Il faut ajouter qu’afin de diminuer par des mesures préventives le nombre des cas de désertion et des supplices qu’ils entraînaient, Le Tellier soumit les officiers à l’obligation d’exercer sur leurs troupes une surveillance qui jusqu’alors n’avait jamais existé. Chaque mois, les officiers furent tenus de donner aux commissaires des guerres une liste signalétique de leurs soldats et d’envoyer au secrétaire d’État deux mémoires, l’un énumérant les nouveaux engagemens, l’autre contenant les noms des déserteurs. Chaque mois aussi, le secrétaire d’État devait communiquer la liste des coupables, établie à l’aide de ces renseignemens, aux intendans, aux commissaires des guerres et aux prévôts, auxquels les habitans et les communautés furent tenus de prêter main-forte.

Les mesures de répression et de contrôle, que nous venons d’indiquer, restreignirent la fraude, d’une part, la désertion, de l’autre. Mais, pour les combattre, et aussi pour amener les chefs à une autre façon de comprendre le point d’honneur, Le Tellier usa d’autres moyens, non moins sûrs, non moins efficaces que ces ordonnances si dures, en multipliant les récompenses accordées au mérite professionnel, en améliorant les conditions d’existence du soldat, désormais mieux armé, mieux logé, mieux vêtu, et en lui assurant, s’il était blessé, malade, mutilé au service de l’État, la possibilité de ne pas se traîner, dans les rues et sur les routes, gueux, et mendiant, comme il le faisait jusqu’à ce moment.

De toutes ces réformes que nous ne pouvons que rappeler ici, aucune n’eut, à cet égard, une portée plus considérable, une utilité moins démontrée, que l’établissement d’une solde régulière. Après s’être, par suite de la pénurie du Trésor, heurté, aux difficultés les plus graves, car, écrivait-il mélancoliquement, « pour ce qui est de l’argent, il n’est ny au pouvoir, de Sa Majesté et moins encore en celui de Son Eminence d’en trouver où