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guerre respectivement. » En cas de manquement, il devait avertir le secrétaire d’Etat.

Dans les places fortes, le commissaire devait aussi toujours exactement connaître le chiffre de la garnison et pour s’en assurer « faire mettre les soldats en bataille, après en avoir adverty le gouverneur de la place… et l’avoir requis de faire fermer les portes. » Il était, en outre, chargé de la paye des officiers et des soldats, des réparations et fortifications de la place, de l’hôpital, des approvisionnemens de diverse nature, des vivres, afin que « le munitionnaire ayt toujours dans la place trois ou quatre mois de bled pour la fourniture de la garnison, outre ce qui sera dans les magasins de réserve. »

On voit, par ces exemples, qu’il serait superflu de multiplier, combien grands et nombreux étaient les pouvoirs de ces commissaires. Mais plus Le Tellier accroît leur autorité, plus il se montre sévère envers eux, afin de les empêcher de prévariquer à leur tour, par exemple, « de prendre aucune paye d’homme d’armes, chevau-léger, carabin, dragon, ni de soldat, sur les paiemens qui seront faits aux troupes, dont ils feront les reveues. » Pour exercer ce contrôle supérieur qu’il estimait si nécessaire, Le Tellier forma un corps d’élite d’intendans, considérés et traités par lui, qui les connaissait personnellement presque tous, comme ses collaborateurs. Tout d’abord, ceux-ci étaient, comme, lui-même l’avait été dans l’armée de Piémont, des intendans de police, justice et finances, spécialement délégués ici et là, avec des pouvoirs tels qu’ils suscitaient souvent des protestations très vives de la part des Parlemens, qui les voyaient du plus mauvais œil et les accusaient d’usurpation, mais qui, à la fin, durent se soumettre. Peu à peu, avec une partie de ces intendans Le Tellier forma une sorte de corps spécial, particulièrement chargé de la surveillance et du contrôle de tout ce qui avait trait à l’armée. Il plaça sous leurs ordres, afin d’empêcher les profits illicites et les concussions, tous les commissaires de guerre ordinaires et extraordinaires, trésoriers et commis de trésoriers, employés financiers de tout ordre. Il décida que, pour tous règlemens et payemens, la signature du chef militaire ne serait valable que si celle de l’intendant y était jointe. Il leur donna, en outre, la haute main sur tout ce qui avait trait aux vivres, au logement, aux marchés de toute sorte conclus soit pour la nourriture, l’habillement, l’équipement des troupes, soit pour