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Dès le début, d’ailleurs, pour sévir et frapper, lorsque, à l’exemple de Richelieu, il y voyait un intérêt d’Etat ou une nécessité imposée par l’intérêt primordial de la discipline, Le Tel lier ne s’arrêta point devant les grades ou les dignités de l’ordre le plus élevé. C’est ainsi qu’il n’hésita pointa faire arrêter et emprisonner au château de Pierre-Encise le maréchal de la Mothe-Houdancourt accusé de malversations graves, et qui, très probablement, aurait été condamné, si les troubles de la Fronde, la protection du duc de Longueville et l’indulgence intéressée de Mazarin ne l’eussent fait relâcher avant la fin de son procès.

Au cours de cette affaire, le nouveau secrétaire d’Etat de la guerre avait donné la mesure de son énergie et prouvé que, le cas échéant, il était résolu à aller jusqu’à ses dernières conséquences. Plus encore, cependant, qu’en de tels coups d’éclat, qui ne peuvent avoir qu’un caractère exceptionnel, Le Tellier, pour mener à bien la réforme d’erremens aussi fâcheux et d’abus aussi invétérés que ceux auxquels il se heurtait, eut confiance dans une fermeté qui parfois temporisait pour mieux vaincre, mais qui, au fond, restait invariable. Connaissant par lui-même, par ses souvenirs de l’armée d’Italie et par ses quotidiennes et incessantes informations, l’étendue et la profondeur du mal, il s’attacha à le combattre par des moyens de plus en plus efficaces. Le principal de ces remèdes fut l’extension progressive des pouvoirs des commissaires des guerres, et, au-dessus d’eux, de l’autorité des intendans, dont il fit les contrôleurs permanens, non pas du commandement, auquel, — qu’on le note bien, — il laissa tous pouvoirs et toute liberté pour la direction des opérations militaires proprement dites, mais de la stricte exécution, dans tous leurs détails, des ordonnances touchant à la discipline et à l’entretien des armées. Sous des noms divers (commissaires ordinaires des guerres, titulaires de charges achetées par eux, — commissaires à la conduite provisoirement attachés à un régiment, — commissaires provisoires ayant sous leur dépendance une circonscription déterminée, etc.), tous ces agens, auxquels il conserva un caractère civil, afin de les maintenir plus strictement dans sa dépendance exclusive, formèrent peu à peu un corps de contrôleurs admirablement organisé, trié et formé avec grand soin, et qui eut pour première mission de renseigner le secrétaire d’Etat sans cesse et sur toutes choses. Ils pouvaient d’autant mieux s’acquitter de cette tâche qu’ils intervenaient, à tout