Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 36.djvu/676

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Dès que les circonstances le lui permirent, Le Tellier ne négligea aucun effort pour mettre fin à cette situation. Tout d’abord, il établit, pour les officiers de tout grade, l’ordre du tableau. Le plus ancien lieutenant général, par exemple, devint le chef des autres lieutenans généraux d’une même armée, lorsqu’il n’y avait dans celle-ci ni maréchal, ni prince du sang chargé du commandement, ou si le Roi n’avait pas fait de désignation spéciale. Le Tellier supprima aussi plusieurs grades ou fonctions qui lui parurent non pas seulement faire double emploi, mais encore, par leurs attributions mal délimitées, gêner le commandement lui-même ; ainsi en était-il du maréchal de bataille et des sergens de bataille, qui disparurent. Pour que la cavalerie fût mieux conduite, il créa, au-dessous des maréchaux de camp, qui pourraient être assimilés à nos généraux de division, des brigadiers de cavalerie réunissant sous leurs ordres plusieurs escadrons. Afin d’empêcher qu’aucune autorité ne contre-balançât ou n’affaiblît désormais celle du roi, il supprima ou rendit purement honorifiques les grandes charges qui avaient survécu à l’abolition de la dignité de connétable, précédemment décidée par Richelieu. C’est ainsi qu’après le décès, en 1661, du duc d’Epernon, ce turbulent incorrigible, qui datait de la Ligue et mourut après la Fronde, Le Tellier fit déclarer par Louis XIV que la charge de colonel général de l’infanterie « était à jamais supprimée, pour ne pouvoir jamais revivre ni être rétablie en quelque sorte et manière et pour quelque causé et occasion que ce soit. » Les charges de colonels généraux des troupes étrangères au service de la France, sauf celle de colonel général des Suisses, qui n’eut plus qu’un caractère honorifique, furent également abolies.

Après la suppression de la charge du colonel général de l’infanterie, à l’avis duquel toutes les nominations faites dans cette arme étaient précédemment subordonnées, Le Tellier, afin de consacrer définitivement le nouvel état de choses, décida que les mestres de camp des régimens d’infanterie prendraient à l’avenir le titre de colonels. Le lieutenant-colonel, qui jusqu’alors représentait le colonel général à la tête du régiment, dont il était, à vrai dire, le commandant effectif, en devient le second officier ; il conserve toutefois une importance particulière, puisqu’en fait, il continue à exercer le commandement habituel du régiment, le colonel, qui appartient à la haute noblesse et