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génie politique et plus de probité personnelle, elles se trouvaient fort voisines de celles du futur premier ministre. Dans ce même poste, Le Tellier acquit une parfaite connaissance des rouages et des défectuosités, l’on pourrait dire des vices, si graves, de l’organisation militaire d’alors. Bref, cette amitié de Mazarin et ces services rendus à l’armée d’Italie devinrent pour Le Tellier l’origine et le fondement de sa fortune et de celle de sa famille : « Le cardinal Mazarin, rapporte Louis XIV dans ses Mémoires, m’avoit souvent dit qu’aux occasions les plus délicates, il avoit reconnu sa suffisance et sa fidélité ; et je les avois moi-même remarquées ; il avoit une conduite sage et précautionnée et une modestie dont je faisois cas. »

Lorsque Le Tellier arriva en Italie, il y trouva une armée qui, dès sa première inspection, lui permit de mesurer la différence profonde existant entre les règles spécifiées par les ordonnances et règlemens, rappelés dans la commission dont il était porteur, et la réalité. « Quand messieurs les ministres, dit-il dans une de ses lettres, ont ordonné quelque chose pour une place, ils ont fait tout ce qu’ils peuvent pour le service du Roi, mais leurs ordres ne produisent pas toujours, à point nommé, le secours qu’ils ont désiré procurer à des gens en nécessité. » C’était à rendre mieux obéies et plus efficaces les instructions ministérielles, les volontés royales, qu’il allait, pendant plus de deux ans, travailler avec la plus assidue persévérance.

Autant, au point de vue militaire, la guerre de Trente ans, — hormis la chaude alarme de la prise de Corbie, — avait pour la France été féconde en victoires, qu’allaient récompenser les résultats presque inespérés des traités de Wesphalie, précurseurs de ceux des Pyrénées, d’Aix-la-Chapelle et de Nimègue, autant aussi, comme on le soit, cette longue période belliqueuse abonda, pour les contrées qui eurent à en subir les ravages, en calamités, en misères de toute sorte. Rien davantage ne saurait en donner l’impression, le sentiment que cette œuvre, toute pleine d’une pitié, ironique et amère dans son indignation à peine voilée, que le génie profondément observateur de Callot imprégna d’une vie si intense qu’elle a survécu tout entière au temps écoulé. Dans les saisissantes et inoubliables gravures, où il a représenté tous les maux de la guerre d’alors, ce ne sont que maraudes, vols, pillages, incendies, profanations, orgies, meurtres, supplices, abominations de toutes sortes, — en un mot,