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conventions, et il entre à deux pieds dans les affaires des autres : il n’aime pas le gouvernement de Florence, il faudra voir à en changer !

Il a, quand il lui plaît, de belles manières, mais ce ne sont pas les belles manières diplomatiques, et, s’il ne lui plaît pas, il se dépouille de courtoisie, jusqu’à manquer à la plus vulgaire politesse. Il éclate de rire au nez du pauvre ambassadeur qui gémit : « Je croyais être venu pour autre chose. » Eh ! par sa foi ! que croyait-il donc ? Inutile de s’ingénier à ressaisir le duc par l’orgueil, en vantant sa grandeur d’âme : « Il est si magnanime que… » Non ; il n’est pas magnanime du tout ; rien, tant qu’on ne l’a pas mérité, et, pour l’instant, on a fait pis, on a démérité ! Comme on le prie d’agir sur Vitellozzo, qui est son « soldat, » il pousse jusqu’au cynisme la franchise affectée. Il n’a pas connu à l’avance, il le jure, le coup d’Arezzo ; mais il n’en a pas été mécontent, et même il en a eu du plaisir, comme il en aura, comme il en aurait de tout ce que les Florentins pourraient perdre, s’ils s’obstinaient, c’est-à-dire s’ils ne se rendaient pas, c’est-à-dire s’ils ne venaient point à lui. Aussi, qu’ils se décident vite, puisqu’il n’y a plus de milieu ; et il pose à nouveau le dilemme : ou amis, ou ennemis. Mais, de même qu’il connaît sa force, il connaît la faiblesse des autres, et il le montre ; il est hautain et dur. Vitellozzo, à lui seul, suffirait pour venir à bout de Florence : que serait-ce s’il s’en mêlait ! Il ne s’en mêlera pas de son propre gré, car il se pique d’être généreux et honnête, — ce sont les faux semblans : — il ne veut rien du bien des Florentins, rien du bien de personne, et il ne vient pas pour tyranniser, mais pour éteindre les tyrans, « non essendo lui per tiranneggiare, ma per spegnere i tiranni. » Quant à l’histoire de la protection du roi de France, qu’on renonce à lui en conter : il est autant qu’homme d’Italie au courant des choses de France, il est sûr qu’on ne le « mettra pas dedans, » et que ce sont eux, les Florentins, qui y seront mis (gabbati).

L’évêque et le secrétaire sont déconcertés, étonnés : ces façons bouleversent, et l’on dirait presque renversent, monseigneur de Volterra : il demande la nuit pour réfléchir. — C’est tout réfléchi, tranche César, mais j’y consens, revenez demain après dîner. Là-dessus, ils prirent congé, « avec peu de satisfaction, » voyant à quelle fin on les avait mandés et constatant que « le mode de procéder de ces gens-ci était d’être dans