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s’apprêtait à le recevoir, des honneurs de sa présentation à Versailles, et d’un brevet de capitaine. L’année suivante (1771), quand il fut monté dans les carrosses du Roi, qu’il eut vu la Cour d’un œil à ne s’étonner de rien, qu’il eut pris M. de Maurepas par un bouton de son justaucorps en lui parlant pour la première fois chez Mme de Rochefort, qu’il eut « patrouillé dans les fanges de l’intrigue » avec les roués de la suite du duc de Chartres, qu’il eut épuisé le savoir des bibliothèques et excédé la patience de l’Ami des Hommes, et qu’enfin il fut revenu en Provence, muni d’une commission de capitaine de dragons à la suite (c’est-à-dire sans compagnie ni solde), Mlle de Marignane était encore libre. Il apprit de sa séduisante cousine, Mme la marquise de Limaye-Coriolis, qu’on le remettait sur les rangs. Il s’avança. M. d’Albertas semblait définitivement écarté. Lors du coup d’Etat Maupeou du 1er octobre 1771, M. d’Albertas père avait accepté la charge de premier président au Parlement renouvelé, en remplacement de M. des Gallois de la Tour ; et depuis, lui et les siens étaient honnis par tout ce qui tenait aux anciens parlementaires dépossédés et exilés. Le jeune comte de Mirabeau prit hautement parti pour ceux-ci contre les membres du nouveau corps, composé des officiers de la Chambre des comptes qui réunirent à leurs anciennes attributions celles du parlement supprimé. Sa tactique était bonne et, croyons-nous, sincèrement adoptée. Mirabeau ne se targuait pas encore de professer en tout les opinions des philosophes, et particulièrement celles de Voltaire et de Buffon qui applaudissaient aux entreprises subversives de Maupeou. Cependant, M. de Marignane éconduisit une deuxième fois le comte de Mirabeau.

La cour d’amour de Tourves travaillait toujours à briser le sceptre de sa reine, Mme des Rolands, et à marier, comme nous l’avons dit, M. de Valbelle avec Emilie. Celle-ci consentait à faire ce plaisir à son père d’agréer un fiancé plus âgé que lui de deux ans. M. de Valbelle était né à Aix le 19 juin 1729. En 1767, par la mort de son frère aîné qui ne laissait point d’enfans, il était devenu l’unique héritier du nom et des diverses branches de sa maison. Ses titres étaient magnifiques : marquis de Tourves, de Rians et de Monfuron, comte de Sainte-Tulle et de Ribiers, vicomte de Cadenet, baron de Meyrargues, et il en faut passer ; au moyen de quoi il disposait de revenus immenses. Sa bienfaisance, son faste, sa gloire de Mécène, le grand état de ses maisons à