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sculpteurs et peintres, s’efforceront d’associer la noblesse morale et l’ardeur passionnée, dans la vigueur élégante des formes juvéniles.

En présence de ces deux œuvres, si méritantes et si diverses, on comprend la longue hésitation des jurés. Ce fut, on le sait, Brunellesco lui-même qui les tira d’embarras, en proclamant la supériorité de son rival. Son génie plastique, qu’il sacrifiait ainsi à son génie scientifique, allait, d’ailleurs, revivre en Donatello. Celui-ci pousse la passion du naturalisme dramatique jusqu’à ses conséquences extrêmes, avec une ardeur infatigable et une supériorité écrasante. Entre ses mains, la beauté de l’homme et de la femme, de l’enfant et du vieillard, drapée ou nue, chrétienne ou païenne, réelle ou poétique, ne cesse de prendre, durant un demi-siècle, des aspects extraordinairement variés et inattendus. Les dons d’émotion et d’observation, de naturel et de fantaisie s’associent chez lui avec une aisance miraculeuse. Nul ne réalise, avec plus de vigueur ou de charme, toutes les formes changeantes de l’idéal complexe de la société florentine. De son côté, Ghiberti, continuant à suivre en paix sa route harmonieuse, réconciliait, dans ses élégances discrètes, avec un charme attendri, comme des sœurs trop longtemps séparées, les innocentes vierges des Catacombes et les souriantes déesses de l’Attique. Ghiberti et Donatello deviennent, désormais, pour tous les sculpteurs, des guides indiscutés. Suivant les tempéramens, tous se rapprocheront plus ou moins, soit de l’un ou de l’autre, soit des deux à la fois. C’est la simplicité pure de Ghiberti qui se développera, plus familière et plus populaire, chez Luca della Robbia et ses parens, qui s’amollira, plus incertaine et plus maniérée, chez Mme da Fiesole, les Rossellini, Matteo Civitati, etc. C’est l’énergie des attitudes, la vivacité et la fierté des expressions, la franchise puissante de l’exécution, caractères typiques de Donatello, qui se transmettront par les Pollajuoli, et surtout par Verrocchio, à Léonard et Michel-Ange.

Tous ces artistes ; d’ailleurs, soit bronziers scrupuleux aiguisant, avec amour, les accens du métal, soit marbriers délicats, caressant voluptueusement les douceurs lumineuses du Carrare, tous sont admirables, tous se valent dès qu’ils analysent directement l’individualité humaine. Dans toutes leurs effigies, statues funéraires ou bustes, la vie physique et morale s’exprime, même dans les gisans ou dormans, avec une telle intensité, qu’elle fait