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LA CRISE DE LA BEAUTÉ
Á FLORENCE AU XVe SIÈCLE

Dès le milieu du XVe siècle, quelle que fût leur propre valeur, on voit, dans les ateliers du Nord, presque tous les artistes aspirer vers l’Italie et s’y précipiter, seuls ou par groupes, dès qu’ils en trouvent l’occasion. Le mouvement s’accélère après l’expédition de Charles VIII ; au siècle suivant, il devient irrésistible, en Allemagne et dans les Pays-Bas germaniques, autant, pour le moins, que dans la France latine. Pourquoi donc cet exode fatal et continu des professionnels de l’art par-delà les Alpes ? Est-ce seulement par la douceur du climat, l’attrait des sites pittoresques, les souvenirs et les ruines des grandeurs passées, les séductions d’une race choisie et d’une civilisation brillante que l’Italie les attirait, comme tant d’autres voyageurs ? Tout cela, sans doute, contribuait à l’entraînement, mais ne suffirait pas à l’expliquer. Dès lors, on voulait connaître, en ses foyers, l’art contemporain dont la renommée, depuis longtemps, se répandait partout. Dès lors, en quoi donc consistait, vraie ou fausse, la supériorité attribuée aux sculpteurs et peintres de l’Italie, surtout de Toscane ? La sculpture française de Bourgogne et de Touraine, si sincère et si vivante, ne restait-elle pas encore, par sa force ou son élégance, ses traditions monumentales et décoratives, l’héritière légitime et active des grands imagiers du moyen âge, ces premiers inspirateurs de l’Europe dans la matière plastique, comme l’avaient été nos trouvères dans la matière épique ? Pour la peinture, ne semblait-il pas qu’avec les frères Van Eyck et leur école, l’art de fixer par