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attributions de biens. Mais quel usage ferait-il de son pouvoir discrétionnaire ? Le gouvernement ne l’a pas dit, et la délégation des gauches s’est émue de ce silence. Elle s’est réunie et, revenant à la charge, a rédigé un nouvel ordre du jour qu’elle a chargé M. Camille Pelletan de remettre à MM. Clemenceau et Briand pour savoir s’ils l’accepteraient : cet ordre du jour leur enjoignait naturellement d’attribuer les biens aux communes dès le 11 décembre. Ils ont déclaré qu’ils ne l’accepteraient jamais. L’équivoque subsistait néanmoins dans une certaine mesure. Aussi attendait-on avec impatience le discours de M. Briand dans l’espoir qu’il la dissiperait. L’a-t-il fait ?

Oui, sans doute : mais nous aurions désiré qu’il le fit d’une manière encore plus précise et plus affirmative. Il a consacré une partie importante de son discours à montrer ce qu’aurait été la situation de l’Église catholique en France si la loi de séparation avait été acceptée ou tolérée, et ce qu’elle sera à la suite des encycliques qui ont interdit la formation des associations cultuelles. Elle sera moindre, incontestablement, plus difficile et surtout plus précaire. Les églises, par exemple, devront être laissées à la disposition des fidèles et du clergé jusqu’au 11 décembre 1907 : à partir de cette date, elles pourront leur être enlevées par un simple décret de désaffectation. Le ministère actuel ne prendra pas de mesures de ce genre, c’est entendu ; nous avons à cet égard les assurances formelles de M. Clemenceau ; mais qui peut répondre de ses successeurs ? La loi attribuait pour toujours, sinon la propriété, au moins la libre disposition des églises aux associations cultuelles ; en dehors d’elle, on tombe à la merci de ministères successifs et changeans. De même pour les biens ecclésiastiques. Avec la loi, les associations cultuelles étaient assurées de les recevoir des mains des fabriques ; en dehors d’elle, nous entrerons, le 11 décembre 1906, dans une période d’un an au bout de laquelle ils devront être remis aux communes, et au cours de laquelle ils pourront être attribués par le gouvernement aux associations cultuelles qui viendraient encore à se former. Ils pourront l’être : le seront-ils ? C’est ici que M. Briand est resté dans le vague. Pourtant, comme il a répété à plusieurs reprises que le nouveau délai d’un an laissé au clergé était pour lui un « délai de réflexion, » il faut croire que cette réflexion n’est pas frappée d’avance de stérilité, et qu’elle est de nature, au contraire, à produire des effets utiles. Mais ce délai sera-t-il mis à profit ? M. Briand a adressé un appel très pressant aux catholiques de France ; il leur a demandé de faire entendre leur voix jusqu’au de la des murailles du Vatican ; il ne désespère pas de voir l’Église adopter des ré-