Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 36.djvu/464

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

être un vieil homme, retrouve toute la fièvre de sa jeunesse pour se lamenter de « la voie de réaction où les Jésuites veulent entraîner l’Empereur. »

Aussi comprend-on sans peine que, dominé comme il l’était par cette passion, le prince de Hohenlohe n’ait point tardé à perdre le peu de foi catholique qu’on lui avait mis au cœur, lorsque, entre 1866 et 1870, pendant les trois années de son ministère bavarois, ses tendances prussophiles et son anti-jésuitisme lui ont valu l’opposition des catholiques de Bavière. De plus en plus, désormais, « catholique » allait devenir, pour lui, synonyme de « jésuite ; » de plus en plus la préoccupation de ses intérêts politiques allait le détacher d’une religion dont son cœur n’avait jamais bien profondément ressenti le besoin. Dès 1868, une décoration accordée par Pie IX à l’un de ses adversaires bavarois avait achevé de le convaincre de la nécessité d’une politique anticléricale. Et cette conviction a été encore renforcée, chez lui, par sa liaison avec le fameux abbé Dœllinger, qui, dès 1868, a pris sur lui un empire absolu. C’est sous l’inspiration immédiate de Dœllinger que, en 1869, avec une énergie et une ténacité incroyables, il a essayé de décider tous les gouvernemens catholiques de l’Europe à empêcher la réunion du concile du Vatican. Pas un moyen qu’il n’ait employé pour rendre impossible cette réunion d’un concile qui, sans que nous puissions deviner pourquoi, lui apparaissait non seulement comme un danger pour la vie politique de l’Europe, mais comme une source certaine de maux et de catastrophes. En même temps, toujours sur les conseils de Dœllinger, il tentait de laïciser, d’un seul coup, les écoles bavaroises. Puis, lorsque cet ensemble de mesures antireligieuses eut abouti à son renversement par une majorité catholique et conservatrice, la création de l’Empire allemand lui fournit l’occasion de transporter à Berlin le mélange de convictions et de rancunes qui formait, à présent, sa doctrine politique. Pareil à ce martyr qui, interrogé sur son nom et son pays, répondait invariablement qu’il « était chrétien, » le prince de Hohenlohe, durant toute la seconde partie de sa carrière, aurait pu résumer tout son credo personnel en disant qu’il était « anticlérical. » Ce prince catholique, ce modèle des fonctionnaires, a été le principal initiateur, l’agent le plus actif et le plus infatigable du célèbre Kulturkampf. Chaque jour, entre 1871 et 1875, nous le voyons occupé à stimuler Bismarck, à rallier le groupe des « conservateurs libres, » à s’entendre, pour la lutte anticléricale, avec les « libéraux » de nuances diverses. De Paris même, ensuite, durant les onze années de son