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C’est aux vieux murs unis par des chaînes de lierre,
Aux bancs rivés au sol plus fort que des tombeaux,
Aux charmilles gardant des voûtes de lumière
Dans l’entrelacement ancien de leurs rameaux,

Aux sources dont l’eau vive emplissait les fontaines
D’un flot presque invisible à force d’être pur,
Que j’ai dû mon regard vers les choses lointaines,
A travers les chagrins de ce monde peu sûr.

J’évoque, en les faisant revivre, ces journées
Où tenait la beauté de toute une saison ;
Ces parterres fleuris, aux plantes surannées,
Pieds-d’alouette, thlaspis et roses à foison ;

Ces pommiers supportant les lessives d’automne,
Dont les linges claquaient, étendant leurs blancheurs
Sur les prés ; et le chant égal et monotone
Des perdrix rappelant, là-bas, loin des faucheurs ;

L’orangerie, avec son goût aromatique
D’herbier, de feuille sèche, et d’hiver attiédi,
Et dont j’ai retrouvé le charme nostalgique
Au désordre embaumé des jardins du Midi.

Bruit léger du râteau rythmé comme la vie,
Faisant tomber le temps, comme d’un sablier,
Je l’écoute, à la fois douloureuse et ravie,
De ne pouvoir revivre ou savoir oublier.


PRIÈRE


Sainte Vierge Marie, ayez pitié des mères,
Soit que dans le recoin de quelque autel obscur
Une humble image œuvrée en un bois sombre et dur,
Incline votre enfant vers nos vœux éphémères,
Tendant ses deux bras courts avec son regard pur !