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A moins que de sacrifier ces intérêts, il importe qu’après discussion entre les époux, il y ait décision d’un seul, et le mari est désigné plus que la femme pour exercer ce pouvoir. Le féminisme allemand combattait l’argument de la vie commune et l’intérêt de l’union conjugale. Au Reichstag, cédant sur le principe, Bebel proposait du moins, si une direction est nécessaire, qu’elle appartînt à celui qui supporterait la plus grande part des charges du mariage : il indiquait qu’une femme riche serait ainsi appelée à régler la vie commune et que, par là, se trouverait justement gênée l’industrie des coureurs de dots. L’amendement ne fut pas adopté. Le code allemand dispose que le pouvoir de décision appartient au mari : étranger aux affaires personnelles de la femme, il s’applique aux questions de nom, de domicile, de nationalité ; encore faut-il que le mari l’exerce sans abus ; s’il lui plaisait sans motifs de changer sa résidence, de la fixer à l’étranger, etc., la femme ne serait pas tenue de se soumettre. Le code suisse présente la même règle. Nous sommes loin de la phrase célèbre de Napoléon : « La femme est obligée de suivre son mari toutes les fois qu’il l’exige. »

En se mariant, les époux apportent chacun un patrimoine ; ils ont à prévoir que leur activité créera d’autres biens encore, et ils doivent convenir s’ils mettront en commun tout ou partie de ces biens, comment ils s’en répartiront l’administration, comment ils régleront leurs droits respectifs de disposition. C’est l’objet du contrat de mariage. Il apparaît qu’au moment de le conclure, la femme peut consentir à laisser au mari plus de droits qu’elle n’en garde elle-même : elle peut admettre des restrictions à sa capacité : par exemple, elle renonce à administrer le patrimoine qu’elle apporte : le mari administrera seul. L’incapacité de la femme dérive des lors, non pas de l’état de mariage, mais du contrat de mariage : elle se limite aux abandons consentis dans ce contrat. Pour le reste, la capacité est la règle : elle demeure donc si, par le contrat, la femme ne renonce à aucun de ses droits, sous le régime de la séparation de biens. Tandis qu’en droit français ce régime ne laisse à la femme que l’administration et lui refuse, à cause de l’incapacité générale, la disposition, on voit qu’en droit allemand et d’ailleurs dans le code suisse, il donne à la femme la même liberté patrimoniale que si elle était fille ou veuve.

Mais il faut penser à celles qui ne font pas de contrat. Il faut