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réduite aux acquêts, elle est couramment pratiquée dans la bourgeoisie de Paris, du Nord, du Centre. Or la règle de composition du patrimoine commun, — la communauté acquiert toute propriété mobilière, — n’est plus compatible, ni avec la nécessité pour l’ouvrière de gagner un salaire et de le préserver, ni avec l’apparition de droits nouveaux d’un caractère tout personnel. La règle d’administration du patrimoine commun, — le mari seul maître, sauf de donner les immeubles, — n’est plus compatible ni avec l’administration domestique exercée par la femme, ni avec l’habitude de lui demander le sacrifice de son hypothèque légale. La règle d’administration des propres de la femme, — le mari administrant seul ces propres, — n’est plus compatible avec l’individualité qu’affirment tant de femmes d’à présent, ni avec le caractère de propres importans et nouveaux. Enfin, les garanties accordées aux femmes par le Code et d’ailleurs peu à peu éliminées par la pratique pourraient être réduites, dès lors que les pouvoirs du mari seraient atténués. On déclare très haut que l’idée même de communauté est incompatible avec la pratique moderne du mariage. Ne conviendrait-il pas plus simplement, plus modestement, plus utilement de garder l’idée même dont la force s’est vérifiée par des siècles de durée, et de lui chercher des formes rajeunies ?

A quelques-unes de ces questions, les nouveaux codes de l’Allemagne et de la Suisse apportent des réponses qui sont intéressantes à coup sûr, sinon convaincantes toujours.

En Suisse comme en Allemagne, le principe de l’incapacité des femmes mariées n’a pas résisté à la critique des jurisconsultes. Depuis cent ans, on l’a vu, il n’était plus fondé sur l’intérêt exclusif du mari : il n’est pas motivé par une infirmité naturelle des femmes : il ne peut s’appuyer que sur l’intérêt du mariage. Or cet intérêt et la bonne marche de la société conjugale exigent, non pas qu’en se mariant la femme devienne incapable, mais simplement que, pour toutes les affaires qui concernent la société conjugale, le mari dirige et décide, sans despotisme bien entendu et sans abus. D’autre part, l’intérêt de la femme, en ce qui concerne non plus les affaires de la société conjugale mais les siennes propres, demande qu’un contrôle soit exercé sur certains contrats qui l’engagent. Ces idées, dans l’un et l’autre pays, ont amené à proclamer comme règle nouvelle la capacité de la femme mariée.