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dire sur son caractère : on peut le trouver à la fois excessif dans l’ordre moral, — en ce qu’il réclame, avec le fameux droit au bonheur, le droit à toutes les fantaisies, — insuffisant dans l’ordre des libertés civiques, en ce qu’il se résigne docilement à toutes les oppressions. Quel qu’il soit, il agit, il ne cesse d’agir. Et sur les femmes, sur la condition des femmes, cette action est particulièrement puissante. C’est lui qui a contribué le plus à former la classe nouvelle des travailleuses intellectuelles, lesquelles en retour se réclament de lui et le répandent : par la conscience de leur personnalité, les femmes ont voulu essayer de tous les modes de l’action, et là où elles ont réussi, elles ont pris d’elles-mêmes une conscience plus forte ; leur place est éminente aujourd’hui dans la littérature romanesque ; elle est considérable dans l’enseignement ; elle s’agrandit dans la médecine. Et c’est un mouvement qui commence à peine. Cette activité nouvelle exerce naturellement ses effets sur les idées de ces femmes, sur les idées de tous, touchant leur condition juridique. Elles apportent dans le mariage leur activité même, avec le sentiment que c’est là un bien personnel et qu’il en résulte des droits personnels. Elles donnent ainsi une importante contribution à tous ceux qui aperçoivent en effet, parmi tant de formes nouvelles ou modifiées de la richesse, des droits intimement liés à la personne. D’ailleurs, pour en revenir à la propriété littéraire, elles seraient intéressées aujourd’hui, autant que les hommes, au succès de l’opinion pratique des notaires : que le droit d’auteur soit reconnu propre, cela profitera à toutes celles comme à tous ceux qui écrivent, sculptent ou peignent.

C’est encore parmi les formes nouvelles de la richesse mobilière qu’il faut placer le montant d’une assurance sur la vie. Là aussi, il y a difficulté lors de la liquidation de communauté, pour la composition du patrimoine commun. Est-ce un bien de communauté, est-ce un propre, n’est-ce pas encore une sorte de bien où s’exerce un droit particulièrement attaché à la personne ? La difficulté intéresse particulièrement les ménages qui sont dépourvus d’une fortune « faite, » de capitaux, mais trouvent dans les gains de chaque année des revenus assez amples pour que, toutes les dépenses payées, il reste quelque chose. Ce sont des ménages de travailleurs, dans les professions libérales ou dans les affaires : ils ont le souci traditionnel d’assurer l’avenir, pour la vieillesse, contre l’infirmité et contre la mort : mais au lieu