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sorte, dans leurs rapports patrimoniaux, les avantages et inconvéniens de la communauté ; l’association est réduite à une contribution de chacun aux charges du ménage : pour le reste, la femme n’a rien à attendre des efforts et des succès du mari ; en revanche, sauf bien entendu les actes de disposition dont elle demeure incapable, elle administre seule ses biens. C’est donc le régime individualiste, qui suppose chez la femme la volonté d’exercer quelque initiative. C’est aussi le régime le plus défiant, qui la met à l’abri de toute dette passée, présente ou future de son mari. Il ne donne tous ses effets que pour l’isolement soit des fortunes, soit des passifs : et il est ainsi, dans la pratique, exceptionnel.


III

En présentant au pays leur œuvre législative, les rédacteurs du Code avaient sagement sollicité pour l’avenir la collaboration qui pouvait à la fois la parfaire et la tenir à jour. Ils avaient recueilli des usages, observé des faits, donné enfin à la complexité de tous les rapports civils des règles aussi générales et souples que possible. Par un travail inverse, il fallait maintenant « interpréter » la règle, l’adapter et l’étendre à toutes les réalités, de telle manière qu’elle restât toujours proche de l’évolution de la vie sociale. Cette tâche n’était point une nouveauté : l’effort ancien de la Coutume reprenait ; seulement au lieu de se diversifier, comme jadis, par provinces, par localités, il était unifié suivant la formule de la France napoléonienne. Au sommet d’une hiérarchie judiciaire très rigoureuse, la Cour de cassation imposait définitivement le droit. Son autorité cependant ne gênait point l’effort ; car au-dessous de ce sommet du Droit pur un peu éloigné des contingences, toute la hiérarchie judiciaire, des cours aux tribunaux d’arrondissement, des tribunaux aux auxiliaires de justice, avocats, avoués, notaires, poussait ses racines en pleine vie, la vie de tout le monde, des grandes et des petites villes, des riches et des pauvres, le mouvement incessant clos intérêts et des passions. Chaque jour, quelque conflit de ces passions et de ces intérêts amène un client chez le notaire, l’avocat, l’avoué. Ils s’appliquent à chercher dans l’étendue d’une règle, la place du « cas » nouveau. Ils essayent d’eux-mêmes une solution, qui, si elle est bonne, se répandra vite