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testament il ne peut donner que sa part dans la communauté ; par donation entre vifs, il ne peut disposer ni des immeubles, sauf pour établir un enfant commun, ni de l’universalité des meubles, ni même d’une quote-part dont il se réserverait l’usufruit. C’est bien l’intérêt de la femme et de la famille que le Code a voulu protéger ici, aux dépens de la puissance maritale, en restreignant le droit de disposition. D’ailleurs le mari garde le droit d’engager par ses dettes, non seulement son patrimoine, mais le patrimoine commun. Ainsi le pouvoir de ce chef demeure encore si étendu et absorbant qu’il a fallu organiser fortement les mesures de protection au profit de la femme ; on lui accorde une hypothèque légale sur les biens du mari ; on lui permet de demander la séparation de biens, si sa dot est en péril ; enfin, à la dissolution de la communauté, elle peut « renoncer » et par suite laisser au mari seul toute la charge du passif qui résultera de sa mauvaise administration. La protection est en quelque sorte rigoureuse ; elle pèse lourdement, par l’hypothèque et la faculté de renonciation, sur le crédit du mari ; mais c’est une nécessité bien connue que ces mesures protectrices et gênantes s’accumulent en raison même de l’étendue des pouvoirs laissés au mari. Quant aux biens propres de la femme, le mari n’est plus qu’un administrateur : il ne peut aliéner les immeubles sans qu’elle consente, et il est responsable sur ses propres biens de ses fautes de gestion.

Ces règles du Code civil montrent assez clairement, avec le rôle que les rédacteurs assignaient à la femme mariée, les avantages et les inconvéniens de sa condition juridique. Dans les travaux préparatoires du Code, la femme commune en biens, celle qui se marie sans contrat, donc la femme du peuple ou de la petite bourgeoisie, est l’auxiliaire indispensable du mari : elle collabore par ses soins et même par son activité. Seulement cette activité est plutôt conservatrice ; il n’apparaît point que les législateurs de 1804 aient supposé d’elle le travail qui crée. D’autre part, ils n’ont pas supposé que sa raison et son instinct pratique fussent jamais assez certains, pour que le mari dût avoir son concours dans ces actes graves qui ne sont plus de l’administration courante, les actes d’aliénation. Il en résulte que cette femme, exempte de toute responsabilité, a sa part assurée dans les gains, sans être jamais responsable des pertes. Le mari fait-il une fortune ? Elle en aura la moitié, si médiocre épouse qu’elle ait