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dans les Coutumes de Paris et d’Orléans qui demeurent pour eux la vraie loi, et les changemens seront en apparence légers. Mais la notion nouvelle est assez présente dans leur œuvre pour que les interprètes puissent ensuite déduire toutes les conséquences, réaliser toutes les applications.

La grande règle qui demeure, conforme à la tradition coutumière et au vieux sentiment français, c’est l’incapacité de la femme mariée. A lire l’article 217, rien ne paraît changé. La femme ne peut, sans le consentement du mari, donner, aliéner, hypothéquer, acquérir à titre gratuit ou onéreux, c’est-à-dire qu’elle ne peut rien. Mais la raison de l’incapacité n’est plus la même, et pour fonder la puissance maritale, on ne parle plus de l’intérêt du mari. Le mariage est une société qui met en présence deux êtres dont les forces sont inégales : la direction indispensable à toute société doit être attribuée au plus fort, le mari, en même temps que protection doit être donnée au plus faible, la femme. La raison d’être de la puissance maritale sera donc à la fois l’intérêt de la société conjugale qui a besoin de la direction du plus fort, et l’intérêt de la femme qui a besoin d’être protégée. Les conséquences de ce principe nouveau apparaissent tout de suite : elles semblent même faire échec à la puissance maritale, autant que ces intérêts nouveaux du mariage et de la femme portent atteinte à l’intérêt du mari. L’incapacité reste une règle d’ordre public, en ce sens qu’aucune convention ne saurait la modifier. Mais, tandis qu’autrefois les actes passés par la femme sans autorisation étaient frappés d’une nullité absolue, que ni prescription, ni ratification ne pouvaient couvrir, ils n’entraînent plus qu’une nullité relative : cette nullité se prescrit par dix ans après la dissolution du mariage, et la femme a alors le droit nouveau, résultant de son intérêt, d’effacer la nullité par sa ratification. D’autres conséquences ne sont pas moins significatives : dans l’ancien droit, le mari mineur, investi pour lui-même, par effet de sa dignité, de la puissance maritale, pouvait autoriser sa femme ; il ne le peut plus dans un droit qui se soucie de l’intérêt de la femme et du mariage, et voit donc dans un mari mineur moins le mari que le mineur. De même, contre la résistance du mari, la femme pourra faire lever par la justice l’incapacité qui est avant tout sa sauvegarde. De même encore, quand le mari absent n’a pas à exercer sa prérogative, la femme ne pourra cependant pas se passer d’une autorisation qui sera celle de la