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la puissance maritale, on la livrait et son avenir à l’arbitraire, à la chance d’avoir un époux invariablement sage : ce même intérêt lui faisait refuser le rôle le plus modeste dans l’administration, exigeait qu’associée dans l’effort elle fût déclarée incapable. Entre l’idée si haute et vraiment belle de la communauté et la dureté hostile de ces règles, — liberté absolue du mari, incapacité de la femme, — l’antinomie est évidente.

Ainsi au Midi, en Normandie, dans le Nord et le Centre, plus ou moins brutal, mêlé de défiance, masqué d’idéalisme, partout se retrouve le despotisme de l’homme sur la femme.

Voilà qui est surprenant ! N’est-ce donc point le pays où les femmes ont connu le culte le plus sincère, et toutes les formes du culte des hommes ? Jeanne d’Arc, Anne de Beaujeu, Marguerite de Navarre, Mme de La Fayette, dévouement sublime, rares vertus, mérites d’intelligence ordonnée ou de volonté persévérante, grâces légères, frémissantes et attendries, ces femmes-types sont arrivées jusqu’à nous, portées à travers le temps par un cortège toujours accru. Du rayonnement qu’elles eurent vivantes, rien ne s’est perdu. Leur héroïsme, leur charme, les hommes l’ont senti avec une force dont témoigne le renom qu’ils leur donnèrent : ils ont proclamé que leur action, celle aussi de tant d’inconnues qui furent leurs devancières ou leurs imitatrices, reste liée au développement de notre civilisation.

Au-dessous de ces figures glorieuses, on sait de reste, par la littérature et l’histoire, le rôle de premier plan que les femmes tinrent à toute époque dans la vie sociale de ce pays ; à toute époque, sur des hommes dont le goût essentiel est la galanterie, sensualité spirituelle et un peu tendre, elles ont marqué leur influence par l’esprit, la grâce, la coquetterie, la vivacité, qui répondaient si exactement à ce goût. Il y eut toujours ainsi à la Cour, à la ville, dans les provinces, des femmes qui donnèrent à la vie française non seulement son éclat ou son charme, mais sa signification vraie. La liste en serait trop longue, depuis la « Dame de beauté, » jusqu’aux premiers rôles du XVIIIe siècle : ce que les femmes donnèrent d’entrain intellectuel et mondain à cette fin de l’ancien régime, le XIXe siècle ni le XXe ne semblent l’avoir dépassé. Sous cette forme encore et dans tous les temps, l’action féminine fut nécessaire, indispensable. Les œuvres des écrivains et des poètes montrent bien que les hommes l’ont reconnu. On ne saurait douter qu’ils furent toujours pareils à tel