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ces règles, désuet et gênant. Cependant, pour les réformer, ce n’est point vers un idéal abstrait qu’il faut tendre ; leur rôle social est avant tout à considérer ; et c’est sans doute par l’étude de l’évolution économique et morale qu’on pourra les adapter à l’état d’aujourd’hui, de même qu’elles furent adaptées, il y a cent ans, à des mœurs différentes.


I

L’attaque du féminisme, dans notre Code civil, porte avant tout sur ce principe d’ordre public : en se mariant, la femme devient incapable ; — sur cette règle générale : à défaut de contrat, les époux sont mariés sous le régime de la communauté légale, d’après lequel tous leurs biens présens et à venir, sauf de rares exceptions, forment un patrimoine commun dont le mari est le chef.

Ces dispositions cependant représentaient, à l’époque du Code, une atténuation de rigueur, un élargissement, un progrès. Dans cette période de perpétuelle transaction que fut le Consulat, les rédacteurs du Code transigèrent sans cesse. Ils accommodèrent le droit romain du Midi au droit coutumier du Nord ; ils cherchèrent aussi à concilier le passé qu’ils se gardaient de renier avec leur présent qu’ils voulaient durable. Ce passé avait imposé à la femme mariée une condition plus étroite, une autorité plus lourde.

Le Midi ne s’était jamais départi des règles romaines du régime dotal : la dot de la femme est gardée rigoureusement intacte par l’interdiction de l’aliéner, et le mari n’en est que l’administrateur. En Normandie, où le régime dotal s’est aussi établi, sa faveur est telle que tout autre régime est proscrit. Si cependant on interroge les défenseurs les plus énergiques de ce système, — ils se révélèrent passionnés au moment de la confection du Code civil, — leurs argumens étonnent d’abord. Ils vantent sans doute la simplicité de cette combinaison : une dot que la femme apporte, qu’on lui administre en la respectant, qu’elle retrouve. Ils font valoir l’intérêt de « conservation. » Mais par-dessus tout, ils représentent que le régime dotal est seul à maintenir la femme dans la réalité de sa destinée physique, de son rôle moral et économique. Comment donc ? En ce que, assurée de retrouver sa dot, elle est privée de toute part dans les gains du mari, désintéressée de son activité, enfermée dans le