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LA LOI DES FEMMES

Depuis une dizaine d’années, le féminisme en France s’est abondamment manifesté par le journal, le roman, le théâtre : mais son action législative fut médiocre. Cependant les rédacteurs des nouveaux codes civils, en Allemagne et en Suisse, accueillaient et fixaient en articles de lois certaines revendications essentielles de cette doctrine mouvante, à la fois très pratique et très passionnée, si précise quand il lui convient, et tout de suite après si chimérique et si vague. On a pu dire que ces nouveaux codes consacraient, quant à la capacité patrimoniale, l’émancipation de la femme mariée. Pour cette raison, et pour quelques autres d’ailleurs, ils ont été exaltés avec enthousiasme. Dans un temps où s’engage et se poursuit, sur notre propre Code civil, un travail de démolition, de reconstruction et d’aménagement à la moderne, ils apparaissent à de nombreux esprits comme les types de la maison modèle. On parle de les imiter et même de les copier. A coup sûr, la législation comparée est féconde pour les progrès de la loi positive. Il est utile de regarder ce que font les autres peuples, de s’inspirer de ce qu’ils font de mieux. Mais c’est pour nous que nous travaillons : c’est nous qui habiterons la maison nouvelle, avec nos habitudes, nos travers et nos besoins, produits de longues traditions autant que de nécessités récentes. Le Code civil est par excellence la loi de tous les jours, celle où le citoyen doit vivre et se mouvoir à l’aise. Notamment, pour tout ce qui touche à la condition de la femme mariée, ses règles sont mauvaises si elles ne se conforment pas exactement aux faits présens. Il est bien vrai que notre Code de 1804 est, en