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L’IMPÉRIALISME GERMANISTE
DANS
L’ŒUVRE DE RENAN

II[1]
APRÈS LA GUERRE FRANCO-ALLEMANDE


Nous avons arrêté à l’heure fatidique de 1870 notre examen de la philosophie historique de Renan. Il a dit mainte fois par la suite et n’a pas encore assez dit peut-être quel ébranlement lui apporta la guerre franco-allemande : duel meurtrier qui mettait aux prises sa patrie véritable et cette patrie morale de son choix, qu’il s’était cru jusque-là le droit d’aimer sans scrupules. Nous avons dépeint ailleurs une pareille épreuve, amenée par des causes identiques, chez le comte de Gobineau. Il faut se hâter de proclamer que ces deux hommes restèrent fidèles à leur devoir filial : et, pour juger le cas de Renan en particulier, il est bon d’écarter de sa mémoire les « reportages » des Goncourt. Mais on doit reconnaître, en revanche, que le savant aussi bien que le diplomate montra tout d’abord, sous l’aiguillon de la souffrance, l’attitude chagrine d’un véritable « Alceste du patriotisme. » Les oscillations inconscientes, les soubresauts haletans d’une pensée blessée dans ses œuvres vives, et comme désorientée par le choc, sont même beaucoup plus visibles dans les

  1. Voyez la Revue du 15 octobre 1906.