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diplomatie, dont nous ayons à nous préoccuper davantage. Suivant que les liens si légers, mais encore résistans, qui unissent les grandes possessions autonomes de l’Angleterre à la mère patrie se resserreront ou se relâcheront, la politique anglaise s’orientera dans des voies différentes. La rupture de ces liens n’est pas à prévoir, du moins à brève échéance ; mais, en supposant que cette grave éventualité ne se réalise pas avant une époque lointaine, et ne considérant que les circonstances du moment présent, il y a apparence que l’opinion publique en Angleterre devra bientôt se prononcer entre deux doctrines presque diamétralement opposées. Toutes deux s’abritent sous l’expression d’« impérialisme, » qui, prise dans son sens naturel d’autoritarisme, ne conviendrait qu’à l’une d’elles ; et de là vient peut-être que nous ne les distinguons pas bien l’une de l’autre.

C’est entre l’impérialisme classique, envahisseur, fondé sur l’isolement politique et commercial de l’Empire, gouverné par un organisme mixte dont personne encore, — pas même M. Chamberlain, — n’a osé indiquer la formule, et l’impérialisme libéral, respectueux de la complète indépendance de ses possessions, maintenu, non par des attaches artificielles, mais par la persistance des sympathies de race et le souple lien des intérêts communs naturels, qu’il va falloir choisir. Ce choix décidera implicitement de l’abandon ou de la consolidation de l’entente franco-anglaise et, par conséquent, pèsera sur notre politique.

Or, c’est le sentiment de ses colonies qui déterminera l’Angleterre. Nous n’avons à ce sujet que des informations vagues, même contradictoires. Les colonies britanniques, nous assure-t-on, sont « loyales. » Encore faudrait-il s’entendre sur le mot de loyalisme. La définition claire n’en a pas été donnée. On sait seulement qu’il n’implique à aucun degré le renoncement aux droits acquis, c’est-à-dire aux droits inscrits dans les constitutions octroyées par la mère patrie, ni à ceux qui résultent indirectement de la pratique réciproquement acceptée de ces constitutions. Les partisans de l’impérialisme exclusif auraient donc à concilier d’abord l’irréductible résistance des colonies autonomes à aliéner une partie des libertés dont elles jouissent, avec l’exécution d’engagemens qui, nécessairement, en limiteraient l’exercice. Pour avoir une opinion sur les difficultés de ce complexe problème, le mieux sera sans doute de connaître dans quelles conditions les colonies autonomes se sont unies, ce que