Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 36.djvu/204

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
LE MONDE OÙ L’ON S’AMUSE
AUX ÉTATS-UNIS


The House of Mirth, by Edith Wharton, 1 vol., Charles Scribner’s Sons, New-York, 1905.


Mme Edith Wharton mérite d’être louée doublement, d’abord parce qu’elle a écrit le meilleur roman peut-être qui cette année ait paru en langue anglaise, et puis parce qu’elle fournit une excellente riposte aux accusations d’immoralité qui continuent de pleuvoir sur nos romans français, the wicked french novels. Si la peinture de très mauvaises mœurs, faite avec le détachement, l’accent d’indifférence personnelle qui caractérisent l’école de Flaubert, constitue ce qu’on appelle l’immoralité, The House of Mirth est immoral autant que le plus hardi roman parisien. Un prétendu grand monde que nous y voyons figurer ajoute la pire grossièreté aux autres vices généralement attribués à ce groupe d’exception qui, dans toutes les capitales de l’univers, ne vit que pour le plaisir. Il apparaît qu’à New-York autant qu’ailleurs les hommes sont capables de convoiter la femme d’autrui, mais ils ont besoin pour cela d’être très excités par le cocktail ou le whisky ; les femmes seront coquettes et faciles à l’occasion : mais, quand elles se compromettent, c’est uniquement pour faire payer leurs notes de couturières, si le banquier naturel, le mari, n’y suffit pas. Celui-ci s’avise-t-il d’être jaloux, une amie complaisante de sa femme s’emploiera volontiers à lui fermer les yeux, moyennant double aubaine, cadeaux de l’une, dividendes versés par l’autre, sous prétexte de chimérique association d’affaires. Mais que l’épouse, jusque-là complaisante, ne