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Les autres, les bras nus et musculeux, la faux
A l’épaule, un rayon sur leurs faces sereines,
Disparaissent là-bas sous la voûte des frênes,
Ainsi que des vainqueurs sous des arcs triomphaux.

Les femmes même, armant leur courage si ferme
De la fourche d’acier dont reluisent les dents,
Sont prêtes à braver les effluves ardens,
Et je vais rester seul dans la cour de la ferme.

Et si, plus tard, m’arrive une agreste chanson
Ou quelque chœur lointain d’adolescens imberbes,
Alors je songerai que s’entassent les gerbes
Et que tous prennent part à la rude moisson.
 
Seigneur, ces paysans, malgré l’effort pénible,
Vers la terre attirante incessamment courbés
Et par le plus austère idéal absorbés,
Ont les vertus de ceux dont nous parle la Bible :

Car ils étaleront à vos yeux indulgens,
Comme une âme d’enfant sa prière ingénue,
Quand l’heure du repos pour eux sera venue,
Ce que peut vous offrir le cœur des humbles gens ;

Car, défiant l’éclat du soleil qui rutile,
Ils auront, tout le jour, dans leur zèle divin,
Tandis que je m’isole et me tourmente en vain,
Accompli sur les champs l’apostolat utile.

Mais que penserez-vous de l’orgueilleux rêveur
Qui, consumant sa vie en des lièvres étranges,
N’apporte pas, le soir, un épi pour vos granges,
Et qui brûle pourtant d’amour et de ferveur !


VENDANGES


Écrase, Adolescent viril, les grappes d’ambre
Qu’acheva de mûrir la douceur de Septembre
Et dont, sous tes pieds nus, déborde le jus clair.
Je ne sais quelle odeur capiteuse emplit l’air