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Je songe que Virgile, ainsi que moi, jadis,
A peut-être aspiré la poussière des lis,
Et d’un essaim semblable écouté les murmures.
Je songe, en regardant rougir les fraises mûres,
Que le chanteur des Dieux, des pâtres, des troupeaux,
A, tel que moi, jadis, savouré le repos
Sous la voûte odorante et verte de ses treilles
Et que peut-être il eut des visions pareilles :
Un puits frais enlacé de lierre, des pavots
Dont l’aveuglant éclat hante mes yeux dévots ;
Puis, dans le petit clos voisin, où l’herbe abonde,
Les sauts légers de la génisse vagabonde,
Ou les bonds des agneaux plus agiles encor ;
Et, plus loin, dans un rêve achevant le décor,
La molle grâce et la caresse satinée
Des coteaux que bleuit la tendre matinée.


JEUNE BOUVIER


Pour entraver et pour lier ses bœufs, l’enfant
Intrépide se hausse et, les apostrophant
D’un ton viril déjà, d’une voix déjà crainte,
Du joug sur les deux cous pose la rude empreinte.
Comme si la faiblesse altière les touchait,
Eux qui pourraient, ainsi que l’on brise un hochet,
Fouler l’Adolescent chétif et téméraire,
A le suivre au labour s’apprêtent au contraire.
Il les attelle au soc qui creusera bientôt
La glèbe où notre pain de chaque jour éclôt,
Puis, les guidant du bout de son aiguillon souple,
Vers la plaine il conduit le pacifique couple ;
Et l’Astre qui surgit à l’Est, éclaboussant
D’aurore et de splendeur le groupe attendrissant,
Sur l’horizon sans borne où bleuit l’azur vaste,
En accuse amplement l’harmonieux contraste.


LE PETIT PATRE


Sur le plateau bleuâtre où croît l’ombre panique
Le petit pâtre est seul avec sa vache unique.