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reste un des princes les plus énergiques, les plus sincères, les plus convaincus que l’Empire ait possédés. Théodose enfin a arrêté longtemps, non sans éclat, le choc des invasions. Et si l’on considère, non plus leurs mérites individuels, mais leur œuvre collective, comment nier la supériorité de leur époque sur l’âge antérieur ? Les compétitions à main armée, endémiques au IIIe siècle, sont devenues rares et courtes ; le brigandage est réprimé, les villes repeuplées, les édifices reconstruits, l’administration réformée, les troupes et les places fortes réorganisées ; les attaques des Barbares et les révoltes des provinces sont vite réduites à l’impuissance. Les historiens actuels signalent tous, à juste titre, le progrès accompli : les contemporains devaient en être bien plus frappés encore, bien plus enthousiastes et plus reconnaissans. A côté des flatteries conventionnelles dont nous parlions tout à l’heure, il y a dans les Panégyriques beaucoup d’autres formules, et non des moins élogieuses, qui ne sont qu’une équitable constatation des services rendus par les souverains. Eumène dit ce qu’il pense, — et il pense juste, — lorsque, après avoir rappelé tout ce qu’ont fait les quatre empereurs, après avoir montré Dioclétien ramenant le calme en Égypte, Maximien foudroyant les bandes de Maures rebelles, Constance poursuivant les Bretons et les Bataves dans leurs marécages, Galère foulant aux pieds les arcs des Perses, il conclut triomphalement : « Maintenant enfin, il est doux de regarder la carte de l’univers, puisque nous n’y voyons rien qui ne soit à nous. » Un autre orateur, avec non moins de fierté, décrit ainsi l’étendue de l’Empire : « Rome tient, dans un seul et pacifique embrassement, tout ce qu’elle a jamais possédé à diverses époques… Tous les pays, tous les climats sont à nous, pacifiés par la crainte, domptés par les armes ou liés par le respect. »

De pareilles formules révèlent bien le patriotisme des Panégyristes : il en est d’autres qui font honneur aussi à leur sens politique, à leur intelligence des réalités contemporaines. Ceux d’entre eux qui font l’éloge de Dioclétien et de Maximien montrent clairement qu’ils se rendent un compte exact du caractère que revêt la monarchie nouvelle et des conditions qui lui imposent ce caractère. Ils mettent en lumière l’énergie âpre et rude de ces provinces de Pannonie qui ont fourni à l’Empire ses maîtres actuels, provinces « où les soldats sont toujours en armes, où la vie entière est un long combat, où les femmes sont