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de l’endroit où les flots de l’Océan reçoivent le soleil. » Seuls, le Panégyrique de Constantin par Nazarius et celui de Julien (par Claudius Mamertinus laissent prise au doute : cependant, si l’on raisonne par analogie, il est probable qu’eux aussi, comme les harangues voisines, proviennent d’une école gauloise, et probable également que c’est un rhéteur gaulois qui a eu l’idée de former toute la collection, voulant éterniser par là le souvenir des gloires oratoires de sa patrie[1]. L’éloquence gallo-romaine revit donc bien dans ces discours, et c’est à ce titre surtout qu’ils méritent de retenir notre attention.

Car d’y chercher l’expression de talens ou de caractères individuels, l’entreprise serait vaine. Il n’y en a qu’un très petit nombre dont nous connaissions les auteurs, soit par les indications des manuscrits, soit par le témoignage du texte même : nous savons que le quatrième dans l’ordre chronologique, sur les écoles d’Autun, est l’œuvre d’Eumène, et que les trois derniers ont été respectivement composés par Nazarius, Claudius Mamertinus et Drepanius Pacatus. Tous les autres sont anonymes, et, au gré de leur fantaisie, les critiques ont imaginé les hypothèses les plus opposées. Tandis que certains regardent toutes ces harangues comme isolées, écrites par des auteurs différens, impossibles à identifier, d’autres, qui ne peuvent se résigner à ignorer, veulent qu’Eumène soit l’auteur de tous les Panégyriques adressés à Constance et à Constantin entre 297 et 311 ; il y en a même qui mettent à l’actif d’Eumène la totalité des discours, à l’exception bien entendu des trois derniers. Cette diversité d’opinions, à elle seule, est significative : elle montre qu’il est impossible de discerner dans chacune de ces harangues quelque chose de personnel. Les auteurs n’ont pas su, — ou pas voulu peut-être, — s’y mettre eux-mêmes ; c’est peine perdue que de les y chercher. S’il est permis d’emprunter le langage de l’industrie moderne, on peut dire qu’aucun Panégyrique ne porte une marque de fabrique spéciale, mais qu’à eux tous ils constituent une exposition collective des produits de la rhétorique gauloise.

  1. Il serait possible que l’auteur du Panégyrique de Théodose (le dernier en date), Drepanius Pacatus, fût le compilateur du recueil. Il connaissait bien les harangues antérieures à la sienne et les a très fréquemment imitées : on s’expliquerait qu’il eût voulu les réunir en un seul corps et y joindre la sienne, à peu près comme Méléagre l’a fait pour l’Anthologie grecque.