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a existé de tous temps. L’attraction vers le mystère scientifique n’a été l’apanage d’aucune époque. Les siècles les plus sceptiques sont même souvent les plus crédules[1]. Comme le remarque Paul de Rémusat, Mesmer faisait son entrée à Paris l’année même où Voltaire y venait mourir. À ce moment, « on aimait sans doute très peu les miracles, mais chacun avait soif de merveilles. »

Ces travaux montrent aussi que, si l’amour du merveilleux reste le même à travers les âges, la nature de ce merveilleux change constamment et que ces changemens ne répondent pas à un mouvement circulaire avec retour à la même place (à la façon de l’écureuil), mais à un mouvement incessant de progrès en avant. La plupart des phénomènes étudiés comme occultes, il y a un demi-siècle, ne le sont plus aujourd’hui, et sont devenus scientifiques. La science, qui n’est jamais finie, envahit tous les jours le domaine de l’occultisme, dont les frontières reculent sans cesse et qui est ainsi comme la terre promise de la science. Ainsi, si l’astrologie et l’alchimie sont aujourd’hui remplacées par l’astronomie et la chimie, bien des phénomènes qui, autrefois, appartenaient à la sorcellerie, c’est-à-dire à l’occultisme (anesthésies, convulsions, épidémies saltatoires…) ont définitivement pénétré dans la science et appartiennent aux psychoses, à l’hystérie ou au somnambulisme. Plus récemment, nous avons vu le magnétisme animal devenir scientifique sous le nom d’hypnotisme ; et les tables tournantes, le cumberlandisme avec contact, la baguette divinatoire… cesser d’être des phénomènes occultes depuis les travaux sur les mouvemens involontaires et inconsciens et sur le psychisme inférieur[2].

S’il y a donc toujours un occultisme, et si les phénomènes étudiés sous ce nom varient d’une époque à une autre, il y a donc aussi toujours intérêt à mettre de temps en temps la question au point, afin que le grand public ait un guide ou tout au moins un point de départ précis pour la lecture et la critique des innombrables publications qui paraissent tous les jours sur

  1. « L’axiome est celui-ci, dit M. Émile Faguet : l’homme a besoin de croire à quelque chose qui n’est pas prouvé ; ou, en d’autres termes, il a besoin de croire à quelque chose à quoi l’on ne peut croire qu’en y croyant. » Car l’homme est « un animal mystique. » — Si chaque siècle a le surnaturel qu’il mérite, notre époque paraît avoir celui que M. Marcel Prévost appelle « le surnaturel de pacotille, » dont la caractéristique est « l’abus des prétentions scientifiques. »
  2. . Voyez la Revue du 15 mars 1905.