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reste muet. Cependant, dès aujourd’hui, le gouvernement ne peut plus s’y tromper : il n’y aura pas d’associations catholiques. Il faut en prendre son parti et se demander ce qu’on fera en conséquence. On ne veut pas négocier ; on ne veut pas modifier la loi ; on ne veut pas de persécution religieuse ; on veut, comme dit M. Sarrien, « l’Église libre dans l’État souverain. » Tant qu’on s’en tiendra aux mots, on les arrangera, on les torturera, on leur fera dire le contraire de ce qu’ils signifient, sans s’apercevoir qu’on entasse les contradictions et les contresens. Mais les choses ont une substance plus résistante. Elles ne se laissent pas traiter et manipuler aussi arbitrairement. Nous sommes convaincu que la force qui est en elles finira par l’emporter sur les maladresses et la mauvaise volonté des hommes. C’est seulement la période transitoire qui nous inquiète.

Elle pourra être longue, agitée, turbulente : elle n’est pour le moment que trouble et obscure. Il est possible que le gouvernement aille à l’application de la loi sans plan arrêté, au hasard des circonstances, à la dérive, et c’est sans doute ce qui pourrait arriver de pis. Attendons le débat des Chambres. Peut-être nous éclairera-t-il. Peut-être aussi, après beaucoup de discours, le gouvernement se contentera-t-il de dire qu’il appliquera la loi sans faiblesse et sans violence, et la Chambre lui votera-t-elle un ordre du jour où elle l’investira de sa confiance pour appliquer la loi sans violence et sans faiblesse. Alors, nous en saurons tout juste autant qu’aujourd’hui.


La situation ne se modifie guère en Russie ; mais c’est déjà beaucoup qu’elle se prolonge sans s’aggraver. Il y a sans doute un peu de lassitude dans tous les partis : le gouvernement en profite pour continuer son œuvre qu’on voudrait appeler une œuvre de pacification. Mais ce n’est pas tout à fait le mot propre. La pacification vraie se fait dans les esprits, et M. Stolypine se borne pour le moment à remettre de l’ordre dans les choses. Nous ne le lui reprochons pas : c’est par là qu’il faut commencer, et le sentiment général est que M. Stolypine est sincère lorsqu’il promet pour la suite ce qu’on a appelé autrefois chez nous le couronnement de l’édifice, c’est-à-dire un certain régime constitutionnel et une certaine liberté. Qu’il emploie contre le désordre les seuls moyens propres à le faire disparaître ou à l’atténuer, on ne peut pas non plus lui en faire un grief. Il a déjà obtenu quelques résultats, fort incomplets sans doute, mais qui permettent d’augurer un peu mieux de l’avenir. La nouvelle Douma se réunira au mois de février prochain. Tout le monde y compte. Nul