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doute le gouvernement, et c’est ce que les journaux radicaux et socialistes disent tout haut, tant pis pour l’Église de France si le Pape l’a désarmée ! S’il y avait des associations catholiques, elles introduiraient un recours au Conseil d’État, et celui-ci ne manquerait pas de leur donner raison, car le caractère schismatique des associations de Culey et de Puymasson n’est pas contestable. Mais un droit devient caduc lorsqu’il n’y a personne pour le soutenir, et ici il n’y a personne. A quoi M. Denys Cochin répond aussitôt : Pardon, il y a le gouvernement lui-même, le gouvernement qui est chargé de veiller à l’exécution régulière de la loi, et qui, non seulement peut, mais doit le faire en l’absence de tout autre intéressé.

La thèse de M. Cochin nous parait irréfutable. La tribune n’étant pas encore ouverte, il l’a développée par avance dans des lettres au Figaro et au Temps, et il n’a pas eu de peine à prouver que M. le ministre des Cultes lui-même, à supposer qu’il ait changé d’avis, partageait encore le sien il y a quelques semaines. En effet, dans une circulaire qu’il leur adressait le 31 août, M. Briand écrivait aux préfets : « Toute association cultuelle, même légalement formée, n’est pas apte à recevoir les biens d’un établissement ecclésiastique. Pour avoir qualité à cet effet, elle doit remplir les conditions voulues par l’article 4. » Et on ne peut pas dire que M. le ministre des Cultes énonçait platoniquement ici un simple principe, sauf à laisser à d’autres le soin de l’invoquer. Il comprenait autrement son devoir. D’abord il interdisait aux préfets de se prononcer eux-mêmes sur des cas qui échappaient à leur compétence : mais c’était pour les réserver à la sienne. Il enjoignait aux préfets de lui envoyer tous les renseignemens nécessaires pour qu’il pût « vérifier directement la validité des associations cultuelles. » Si les mots ont un sens, et ils en ont certainement un sous sa plume, à cette date du 31 août, M. Briand se regardait comme tenu par sa fonction de prendre toutes les initiatives utiles dans l’intérêt de la loi. Il a certainement reçu de ses préfets les dossiers qu’il leur avait demandés ; il les a feuilletés, il les a lus ; comment n’a-t-il pas reconnu tout de suite que ceux des associations de Culey et de Puymasson n’étaient pas complets ? Il leur manquait une pièce essentielle, indispensable, celle qui devait prouver qu’elles remplissaient ces « conditions voulues par l’article 4, » seules capables de leur donner qualité pour recevoir les biens des fabriques. Dès lors, le devoir strict de M. le ministre des Cultes était de saisir le Conseil d’État de l’affaire. Quand même il n’aurait pas été obligé de le faire dans l’intérêt des associations cultuelles qui peuvent encore se former d’ici au mois de