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C’est un principe nouveau dans la direction ; mais ce sera aussi bien la grande nouveauté en littérature. Encore y a-t-il pour ceux qui se livrent à ce perpétuel travail d’analyse un danger, qui est de s’y complaire et d’oublier que l’analyse elle aussi est un moyen, une préparation en vue de l’action meilleure et plus vigoureuse. « Cet examen, quand il est fait avec anxiété et perplexité, n’est qu’une perte de temps et ceux qui le font ressemblent aux soldats qui, pour se préparer à la bataille, feraient tant de tournois et d’excès entre eux que, quand ce viendrait à bon escient, ils se trouveraient las et recrus. Car l’esprit se lasse à cet examen si grand et continuel, et, quand le point de l’exécution arrive, il n’en peut plus. » Cette analyse qui dessèche le cœur, stérilise l’esprit, paralyse la volonté, on l’a vu sévir à d’autres époques de notre littérature et de notre société. L’analyse psychologique, telle que l’a pratiquée le XVIIe siècle, en est justement le contraire. Elle ignore les langueurs morbides et la désespérance. On le comprend mieux, à mesure qu’on voit à quoi tend l’effort de la direction de saint François.

Ce qu’il proscrit impitoyablement, c’est la subtilité, le raffinement, l’inquiétude, le précieux et le romanesque en matière de piété. « Gardez-vous des scrupules, — c’est le premier conseil qu’il donne à Mme de Chantal ; — gardez-vous des empressemens et inquiétudes. » Et plus tard, quand cette âme d’élite se sera déjà fort avancée dans le chemin de la perfection, il continuera de lui recommander une sorte de vertu, que beaucoup jugeraient vulgaire et indigne d’une nature un peu relevée : c’est à elle qu’il répète « qu’il ne faut point trop pointiller sur l’exercice des vertus, mais qu’il y faut aller rondement, franchement, naïvement, à la vieille française, avec liberté, à la bonne foi, grosso modo. » Il n’hésite pas à traiter de niaiseries les aspirations de telles extatiques et visionnaires, ni ne se lasse d’opposer à une dévotion fantasque, brouillonne, mélancolique, fâcheuse, chagrine, la piété véritable, et qu’on reconnaît d’abord à ce signe qu’elle doit être avant tout paisible. « Nous arrive-t-il de la peine ou intérieure ou extérieure, il la faut recevoir paisiblement. Nous arrive-t-il de la foi, il la faut recevoir paisiblement, sans pour cela tressaillir. Faut-il fuir le mal, il faut que ce soit paisiblement sans nous troubler… Faut-il faire du bien, il le faut faire, paisiblement. » Comment parvenir à cette paix de l’âme ? En évitant d’abord de nous proposer un idéal inaccessible ; en songeant ensuite que, dans la dévotion comme ailleurs, rien ne se fait tout d’un coup, mais par degrés, à force de discipline et de méthode. C’est dire que saint François met jusque dans la dévotion la qualité