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REVUE LITTÉRAIRE

LES LETTRES DE SAINT FRANÇOIS DE SALES

On se souvient peut-être que quelques écrivains français, professeurs et membres de diverses académies, pérorant naguère devant l’auditoire cosmopolite d’un Congrès belge, s’étaient avisés d’un moyen très simple pour se mettre en règle avec les problèmes que soulève notre littérature du XVIIe siècle : il consiste à rayer d’un trait de plume cette littérature, sous le prétexte que Voltaire n’était pas encore né. Pour ceux que ne satisferait pas ce procédé de critique un peu bien expéditif, la question est d’expliquer ce qui fait le caractère essentiel des ouvrages de cette époque, et qu’on ne retrouve ni dans les littératures étrangères ni aux autres périodes de notre littérature nationale. Jamais en effet on ne vit une littérature uniquement attentive à l’étude de l’âme humaine et soucieuse d’en acquérir une connaissance qu’elle pût léguer à tous les temps. D’où procède donc cette conception de l’œuvre littéraire ? Comment s’est-elle formée ? D’où vient qu’au théâtre comme dans la chaire, et dans les romans comme dans les écrits de morale, auteurs et public se soient du même élan attachés à mener cette grande enquête sur notre cœur ? Entre beaucoup de causes, il en est une qu’on pourrait indiquer, et non la moindre : c’est l’apparition et le succès du genre qu’on appelait alors : « lettres spirituelles. » Au XVIIe siècle, la littérature de direction est à la base même de la littérature et pénètre les genres les plus profanes. C’est ce qu’avait bien vu Sainte-Beuve et c’est pour cela qu’il n’a point exagéré, quoi qu’on ait dit, la part de Port-Royal dans l’ensemble du siècle. C’est ce que nous tous, historiens, — à quelque titre que ce soit, — de