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à Alger, Tunis et autres lieux de Barbarie. Outre les secours moraux, les Lazaristes organisèrent un service de correspondance entre les captifs et leurs familles qui restaient souvent longtemps sans nouvelles. Quoique le rachat ne fût pas leur objet propre, ils y contribuèrent néanmoins souvent de leurs aumônes ; saint Vincent de Paul, dans les quinze dernières années de sa vie, ne dépensa pas moins de un million de livres pour délivrer environ douze cents esclaves (1645-60).

Parmi ces esclaves, il y en avait un bon nombre qui étaient grecs ou protestans. « Les provinces maritimes, lit-on dans les actes du Synode national de Jargeau (1610), font de grandes plaintes sur la multitude des captifs, qui sont dans les chaînes à Alger, Tunis, Salé et autres lieux de Barbarie. » Il y avait, en outre, à Salé (Maroc) un assez grand nombre de réformés faisant du négoce, qui avaient écrit aux Pays-Bas pour avoir un prédicateur[1]. L’idée la plus naturelle était de demander les bons offices des Trinitaires et, en 1644, on s’adressa au Père Héraut, qui allait partir pour un voyage de rédemption en Barbarie ; mais, soit qu’on n’ait pu rassembler les sommes d’argent à temps, soit à cause des scrupules des moines rédempteurs à racheter des hérétiques, l’affaire n’aboutit pas. En général, les religieux français ou espagnols avaient pour principe de ne racheter que les captifs de leur nation et de leur religion. A défaut des Trinitaires, on aurait pu recourir aux agens du roi de France, mais ceux-là avaient reçu des instructions formelles du ministre de la Marine, à savoir de ne racheter les protestans qu’à condition qu’ils abjurassent. Or, il y a peu d’exemples d’apostats parmi eux. « Les religionnaires français, écrit Du Sault, persévèrent dans leur entêtement, le préférant à leur liberté. » Noble entêtement, qui mérite l’admiration plutôt que le blâme !

Les synodes des Églises réformées ordonnèrent des quêtes générales pour le rachat de ces pauvres captifs. Le produit devait être adressé, avec la liste des noms des esclaves, à l’Eglise de Paris, pour ceux qui étaient originaires de Bretagne, Normandie, Anjou, Berri, Ile-de-France ; à l’Église de La Rochelle, pour ceux de Saintonge, Poitou, Basses-Pyrénées et Béarn ; à celle de Lyon, pour ceux du Haut-Languedoc, Cévennes, Vivarais, Dauphiné. De 1657 à 1683, les Églises réformées de France ne

  1. Mercure historique, n° 1699.