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de la mer se trouvait cette étendue d’eau douce, ni quelles étaient sa surface et sa forme, et cette ignorance provient de ce que, pendant les époques suivantes, le pays fut profondément érodé par la pluie, puis décapé par la mer, qui revint envahir son ancien domaine.

En effet, après un laps de temps qu’aucune donnée ne nous permet d’évaluer, mais qui, sans aucun doute, fut prodigieusement long, les assises du calcaire grossier vinrent se constituer progressivement par-dessus l’argile plastique. Du reste, la submersion du pays fut accompagnée de nombreux incidens, et les coupes procurées par le chemin de fer métropolitain soulignent des changemens très nombreux dans la profondeur de la mer, en nous mettant sous les yeux des intercalations, dans la série des sédimens marins, de couches témoignant d’une origine saumâtre comme celle des dépôts d’estuaires ou de lagunes, et d’autres présentant des caractères franchement lacustres. Cette complexité signifie sans doute que le point où Paris devait s’établir fut, pendant bien longtemps, situé à une très médiocre distance de la ligne littorale, dans une zone où luttaient sans cesse les eaux marines et les écoulemens aqueux provenant d’un continent tout voisin.

On peut même constater que le calcaire grossier fut soulevé assez au-dessus des flots pour affecter la disposition de falaises, et pour être démoli par la mer, désagrégé en débris qui subirent un triage dont le résultat fut la concentration en certains points de ses élémens les plus lourds. Ceux-ci, qui consistent en grains de sable, en galets de diverses grosseurs et en coquilles déjà fossilisées dont les formes émoussées révèlent les frottemens qu’elles ont subis de la part des vagues, font la base du sable de Beauchamp, qu’on imite si facilement dans sa composition comme dans sa structure, par la désagrégation et le lavage artificiel d’échantillons bien choisis du calcaire grossier.

On voit qu’il s’est rigoureusement produit à cette époque ce qui se passe sur certaines côtes du Portugal et du Brésil, au mont Saint-Élie, dans l’Alaska et aux Barbades, où les flots démantèlent des falaises formées de dépôts tout à fait récens, c’est-à-dire appartenant à la période géologique immédiatement antérieure à celle où nous vivons nous-mêmes. Les spécimens, recueillis au cours de l’établissement du Métropolitain, montrent que l’océan générateur du sable de Beauchamp fut