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et la différence de leur composition avec celle de la matière enveloppante est si faible que nos réactifs eussent été bien impuissans à opérer leur séparation chimique. Cependant, après que la roche, sous l’influence du poids des sédimens superposés, se fut consolidée, le passage prodigieusement lent de solutions étendues amena la corrosion et la disparition totale des fossiles, sans que leur gangue en souffrît la moindre atteinte : théoriquement ce fait si fréquent est tout simplement impossible et son explication, malgré de nombreuses tentatives où l’on s’est surtout payé de mots, est encore à trouver. On n’est pas même renseigné sur la nature du dissolvant auquel les coquilles ont cédé toute leur substance : il semble d’abord que ce doive être l’acide carbonique. Mais la masse calcaire générale n’aurait pas manqué dans ce cas de céder elle-même à ce corps si avide de carbonate de chaux. En outre, on ne voit pas d’où le dissolvant pourrait provenir, car la dissolution des coquilles s’est faite uniformément et complètement dans toute l’épaisseur de la couche, sans que l’on constate une région d’arrivée où l’effet serait plus accentué que dans les autres. Enfin et comme comble, il faut ajouter que les lits où les tests d’animaux ont été ainsi supprimés, peuvent être compris entre des assises également calcaires, de composition pour ainsi dire identique, et où, au contraire, ces fossiles se sont conservés en nature avec la plus grande perfection. On voit, comme conclusion, avec quel discernement il importe d’appliquer à l’histoire de la Terre les notions de la chimie pure.

On ne saurait d’ailleurs considérer le volume du calcaire grossier, son énorme épaisseur, l’étendue de la zone qu’il recouvre, sans revenir par la pensée aux grands changemens successifs éprouvés par un même point de la terre. Le sentiment se dégageait très net, quand on circulait dans les travaux du Métropolitain, qu’on se mouvait dans quelque fond de mer, au-dessus duquel les flots auraient pu continuer leur œuvre sédimentaire. Les choses ne se présentaient pas autrement par exemple dans les tronçons de tunnel pratiqués naguère sous le lit de la Manche, aussi bien en France qu’en Angleterre, et les sensations dans l’amorce de Sangatte comme dans celle de Douvres m’ont laissé des souvenirs analogues aux impressions ressenties dans la visite des conduits souterrains du boulevard Saint-Jacques.