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caractéristique de ce sulfate de strontiane que les spécialistes qualifient de « célestine. » Ce joli nom est bien justifié par les belles variétés, de couleur azurée, provenant des célèbres mines de soufre de la Sicile.

A Paris toutefois, les cristaux ne sont pas bleus, et un examen attentif conduit même à reconnaître que, si la forme en est celle de la célestine, la composition en est tout autre : l’analyse n’y montre ni soufre, ni strontiane, mais seulement du carbonate de chaux. Ces échantillons représentent comme des moulages naturels par du calcaire d’arrivée plus récente de la célestine disparue. C’est là un exemple de ce qu’on appelle une « épigénie. »

Le travail lent, mais incessant, qui s’accomplit dans la masse des roches, dans l’argile noire par exemple, dérive d’abord des suintemens de sulfate de chaux venant de la surface. Cette dissolution prodigieusement diluée rencontre en quelques points des composés solubles aussi, et qui contiennent de la strontiane, matière assez rare relativement et que, cependant, les analyses délicates décèlent dans la pierre à plâtre, d’où elle provient vraisemblablement. Il se fait alors de la célestine, mais celle-ci, qui est complètement insoluble, — et c’est même pour cela qu’elle se produit, — se dépose au fur et à mesure de sa production, et c’est ainsi que, par un mécanisme véritablement merveilleux, les particules qui se précipitent, au lieu de rester distinctes les unes des autres et de se répartir uniformément dans l’argile, s’attirent mutuellement et viennent se réunir en certains points d’élection. En outre, elles se groupent régulièrement et s’arrangent de façon à constituer ces édifices sur lesquels les mesures géométriques trouvent à s’exercer et qu’on appelle des cristaux.

Les cristaux grossissent peu à peu, comme grossissent les grains de sel qui se produisent par l’évaporation de l’eau salée, mais cette fois dans des conditions que l’insolubilité de la substance rend fort différentes, et progressivement ils atteignent plusieurs millimètres de longueur.

Tout cela, comme on voit, présente le sous-sol comme une région d’une prodigieuse activité. Toutefois la merveille n’est pas finie encore, car à un moment donné, et par suite de circonstances qui nous échappent, les conditions du milieu souterrain se modifient complètement ; les cristaux cessent de s’accroître et même, bientôt, ils subissent une action corrosive qui les dissout et remet en circulation leur substance