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il y aurait injustice à oublier le service de premier ordre que le peuple juif et le peuple arabe ont rendu à l’humanité en tranchant d’un coup de ciseaux hardi l’écheveau inextricable des mythologies antiques. Mais ce service, purement négatif, dut être mis en valeur par l’excellence des races européennes. Pour n’être pas tombé sur une terre aussi féconde, l’islamisme a été en somme plus nuisible qu’utile à l’espèce humaine, car il a tout étouffé autour de lui par sa sécheresse et sa désolante simplicité. Le christianisme put échapper à ce danger parce que l’élément sémitique, qu’il tenait de sa naissance, fut sans cesse combattu dans son sein et finit par être à peu près éliminé. « M. Salvador, écrit Renan, invite le siècle à regarder vers l’Orient et vers le Sud ; nous autres, nous lui disons : « Fuyez vers le Nord et vers l’Ouest. » L’Orient n’a jamais rien produit d’aussi bon que nous. Qu’y a-t-il de juif dans notre christianisme germanique et celtique, dans saint François d’Assise, sainte Gertrude, saint Bernard, sainte Elisabeth, et, plus récemment, dans saint Vincent de Paul, Schleiermacher, Channing ? Est-ce à ces fleurs écloses au souffle romantique et charmant de nos mers et de nos montagnes que vous comparez vos Esther et vos Mardochée ? Qu’y a-t-il de juif dans le livre de l’Imitation, dans la vie monastique, cet élément si capital du christianisme, dans nos saints de l’époque mérovingienne, nos vrais saints ? Restons Germains et Celtes, gardons notre Evangile éternel, le christianisme tel que l’a fait notre verte et froide nature. Tout ce qu’il y a de bon dans l’humanité s’y est greffé : tout progrès moral s’est identifié avec lui. Une sorte de crudité native et comme un péché originel ternit les pays et les races sur lesquels cette excellente discipline n’a point passé[1]. »

III

Ces dernières lignes nous montrent le point de vue germaniste superposé, ou plutôt entièrement substitué déjà au point de vue aryaniste dans l’esprit de leur auteur. En effet, lorsqu’elles furent écrites, en 1860, il y avait environ cinq ans que le germanisme pur avait commencé de s’imposer à la complexe

  1. Ces vues domineront les Origines du christianisme, et seront surtout développées dans Marc-Aurèle : « Le judaïsme n’a été que le sauvageon sur lequel la race aryenne a produit sa fleur. » (P. 635.)